Qu’est-ce que la
Stratégie « Réduction de la Violence Communautaire (RVC) » ?
Par Jean Laforest Visene, M.A.
1.
Différences entre DDR classique
et DDR seconde génération
Il y a trois différences fondamentales
entre un programme DDR classique et un DDR de seconde génération, incluant la
stratégie Réduction de la Violence Communautaire. Ce sont :
·
La première
se trouve au niveau de la stratégie d’intervention : Alors que le DDR
classique privilégie une approche institutionnelle, la seconde
génération : Réduction de la
Violence Communautaire, comme son nom l’indique privilégie l’approche
communautaire ayant donc la communauté comme le centre de ses actions. L’action
se résumerait ainsi : « Tout pour et par la communauté ». C’est
la communauté qui connait ses problèmes de sécurité, c’est elle qui connait les
remèdes et c’est elle qui détermine quelle est l’appui externe nécessaire pour
y parvenir.
·
La
deuxième différence est le cible privilégié : Tandis que le DDR classique
adresse le problème de la violence engendre par des groupes, belligérante,
clairement identifiés et organisés, ayant un système de commandement avec qui
on peut engager un processus de DDR, qui pourrait signer un accord de paix avec
l’autre partie opposée, la seconde génération, quant à elle, adresse le
problème de la violence engendre par : Des groupes armés indisciplinés ;
des éléments armes qui fonctionnent en
solo pour satisfaire leur besoins de base ; des jeunes à risque ou
vulnérables ; les adolescent sans
tuteur pouvant être manipuler dans le cycle de la violence.
·
La
troisième différence est le bénéficiaire principal du programme : Tandis
que dans un programme DDR classique le bénéficiaire est le combattant et ses
associés, dans le cas du DDR de seconde génération, c’est plutôt la communauté
qui est le bénéficiaire. Le bénéfice est donc partagé. Cela évite aussi la
critique qui fait savoir que le programme DDR ne fait que récompenser que les
bourreaux, des gens qui ont fait des choses mauvaises tandis que, ceux qui en ont
souffert ne sont pas prise en considération. Certains pensent même que le fait
que le principal bénéficiaires est le bénéficiaire lui-même est un incitatif pour que des gens cherchent à
se procurer d’une arme pour en pouvoir devenir bénéficiaire.
2.
Quand le DDR seconde génération
devient la panacée du DDR classique !
Il arrive parfois que le DDR classique
n’est pas du tout possible, soit parce que les conditions politiques ne le
permettent pas, soit en raison de la nature des bandes armée. C’était le cas,
par exemple en Haïti, où la violence n’était entretenue que par des gangs armés
composés en particulier de jeunes exploitant la violence comme une ressource
pour satisfaire leur besoin. Il n’y avait pas d’interlocuteur, il n’avait pas
de motivations politiques clairement exprimées, et non plus la possibilité de
signature d’un accord de paix entre des groupes opposés.
Dans des situations similaires, à celles
mentionnée, il reste comme panacée que la stratégie de réduction de la violence
communautaire qui offre la possibilité de diminuer progressivement l’emprise
des groupes armés sur la population. D’autant que cette stratégie donnent les moyens
pour identifier, plus clairement les besoins des groupes armés communautaires,
d’identifier leurs motivations et leurs intérêts, leur capacité et la manière
de diminuer progressivement leur influence sur les communautés ou elles sont installées.
Idéalement, le travail de conscientisation
et de responsabilisation active de la communauté peut ouvrir la porte à un
nouveau type de désarmement que l’on appellerait le désarmement communautaire.
C’est le cas, en Haïti où des jeunes avaient choisi de remettre, volontairement,
leurs armes, sans exiger aucune contrepartie. Certainement après, ils ont été
canalisés vers des projets de formation professionnelle de la RVC afin qu’ils
puissent recevoir un accompagnement a la réinsertion communautaire.
Faudra-t-on reconnaitre que la stratégie
“Réduction de la Violence Communautaire” Ressemble à la phase Réinsertion /
réintégration dans un cadre de DDR classique. Mais en raison des faiblesses
observées dans le passé dans l’exécution de cette phase, on peut compter sur la
stratégie réduction de réduction de la violence communautaire pour être
complémentaire à la phase réinsertion / réintégration d’un DDR classique, si
les deux sont possibles dans un contexte de mission de maintien de paix.
3.
Avantage et limite de la
stratégie Réduction de la violence communautaire
Un avantage que nous estimons judicieux de
signaler de la stratégie réduction de la Violence Communautaire sur le DDR
classique, est qu’elle offre la possibilité de lier le programme à des
stratégies plus larges de consolidation de la paix et de développement. Ensuite,
elle est à cheval entre le DDR classique et la Réforme du Secteur de Sécurité
(RSS). De ce fait elle donne de plus grande opportunité de stratégie de sortie
plus pérenne.
Notons que la stratégie « Réduction
de la violence communautaire » a été initiée, pour la première fois en
milieu « Peace Keeping Mission »
des Nations Unies, en Haïti entre 2007. Mais le programme a pris véritablement
une extension vers les années 2010. Les évaluations du programme, conduites par
des partenaires d’évaluation externe, montrent qu’il a eu certains petits
problèmes durant sa période d’installation entre 2007 et 2009. Mais ces
problèmes ont été bien ficelles à partir de 2010 (2).
Actuellement un programme similaire, adapté, est en train d’être testée au
Soudan du Sud, au Congo et en Côte-d’Ivoire. Notons que la Banque Mondiale a
aussi fait une expérience similaire dans un programme adressant la
problématique des jeunes à risque et/ou associés à la violence en Timor-Leste (3).
En termes de limite, la stratégie Réduction de la Violence Communautaire
n’adresse pas les autres formes de violence supra-communautaire,
telle que la violence institutionnelle ou d’Etat, le grand banditisme,
l’émotionnel et le passionnel et autres. Comme son nom l’indique, elle adresse
les types de violence dont leurs germes sont ancrés soient des pratiques
communautaires/ socio-culturelles, soient lies à des carences et ou des besoins
sociaux des membres la communauté. Voilà
pourquoi elle appuie le développement au sein des communautés une culture
favorable à la paix et à la résolution pacifique des conflits et aussi elle
aide à la satisfaction de certains besoins de base qui sont des vecteurs de la
violence communautaire.
4.
En guise de conclusion
Le processus Réduction de la Violence
communautaire n’est pas, une fois pour toute, acquis, conquis, et constaté. Donc,
il n’existe pas une formule « ceteris paribus » comme si « toute
chose étant égale ailleurs, une solution passe-partout sera appliquée. Voilà
pourquoi il revient toujours aux acteurs de comprendre le concept, d’analyser
la situation problématique et de définir une stratégie adaptée. Dans les résolutions des Nations Unies où l’on
propose la mise en œuvre de la stratégie Réduction de la Violence Communautaire
on insiste sur le fait que l’équipe de la mission doit aider le gouvernement à
définir une stratégie Réduction de la Violence Communautaire et à lui donner
l’appui en expertise pour la mettre en œuvre. Le fait même d’insister dans les
résolutions que les objectifs et priorités des Nations Unies et, partant,
de sa configuration, ses activités et ressources connexes devraient être
adaptés au fil du temps à la situation sur le terrain » dénote la
nécessité que les différents concepts des missions de paix doivent être analysés
au fur et à mesure afin qu’ils soient adaptés au réel social global. D’où la nécessité
aussi que le concept « Réduction de la Violence Communautaire » soit réactualisé
périodiquement, en redéfinissant notamment ses éléments d’opérations et ses
critères de choix.
Notes
(1)
Department of Peacekeeping Operations, SECOND
GENERATION DISARMAMENT, DEMOBILIZATION AND REINTEGRATION, (DDR) PRACTICES IN
PEACE OPERATIONS : A Contribution to the New Horizon Discussion on
Challenges and Opportunities for UN Peacekeeping, http://www.un.org/en/peacekeeping/documents/2GDDR_ENG_WITH_COVER.pdf, ©
United Nations 2010, 380, Madison Ave,
11th Floor, New York, NY 10017, USA January 2010, page 3.
(2) Pour des détails sur le contenu programme voir: Jean
Laforest Visene, « linkag Of the Community
Reduction Violence approach in Haiti”, http://visenejl.blogspot.com/, mars
2014.(3) Banque Mondiale (BM), “Timor Leste - Youth Development Project”
http://www.worldbank.org/projects/P106220/timor-leste-youth-development-project?lang=en.
Professeur à l’Université d’Etat d’Haïti (UEH)
E-mail : visenejl@gl.com
Web page : www.visenjl.blogspot.com
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