mardi 12 juillet 2011

PARAFAITS ET PARAPHENOMENES HAITIENS : ANALYSE SUR TROIS UNITES D'OBSERVATION SOCIOLOGIQUE

ParafaitS et Paraphenomenes haïtienS
ANALYSE SUR TROIS UNITES d’observation Sociologique

Résumé introductif

Beaucoup d’auteurs ont présenté les vertus de solidarité, d’hospitalité, de crédulité et d’inoffensivité de l’être rural haïtien. Il est évident, en raison de rapports temporel et socio-spatial, qu’on peut étendre ces vertus à diverses unités sociologiques d’Haïti. Cependant, on ne peut pas en faire une généralisation sur la société haïtienne toute entière. Dans leur praxis, il est clair que le citadin haïtien n’est pas différent de ceux des grandes villes occidentales capitalistes et opportunistes. Son traintrain quotidien lui oblige à être beaucoup plus rigoureux, stratège et rationnel que le campagnard, qui lui n’est pas conditionné à être futé, rusé, égoïste et opportuniste pour survivre.

La ville et la campagne haïtienne sont donc deux espaces de vivre-ensemble dans lesquels le jeu de l’acteur « individu social » ne se concrétise pas de la même manière. Dans le premier cas, en dépit de l’introduction de certains appareillages qui prédispose l’acteur à un autre état, le paysan reste subordonné à une forme de collectivisme et une quotidienneté techno-pratique et corporatiste. Son monde virtuel et sa technologie de l’ombre n’est qu’une principauté de son vivre-ensemble. Dans le second cas, une forme primitive de l’individualisme constitue le décor idéologique de l’acteur. Le nous du campagnard est pratiquement remplacé par un « moi », sous un faux rideau de rationalité de l’acteur et de sélection naturelle de type darwinien. La maxime de cet autre monde  pourrait être formulée ainsi : « Survivre et tirer le maximum de profit de la dynamique sociopolitique et économique, avec le moindre investissement individuel ».

Le rural, le suburbain ou rurbain, et l’urbain haïtien sont trois mondes distincts ayant des caractériels de cohabitation distincts. Chacun d’eux nécessite une démarche particulière d’appréhension de ses faits et de ses phénomènes de cohabitations. Certes, ces productions sont régulières d'après leur classification dans une typologie communautaire mais, ils ont un statut d’encastrement dans une dynamique micro-idéologique du jeu social. Un simple regard holistique ou de l’individualisme méthodologique ne suffirait pour comprendre partout les manifestations de ce que nous appelons « parafait et paraphénomène » du vivre-ensemble transgéniques à ces ensembles sociaux qui ne sont pas objectivement congrues. Les manières d’agir, d’être et de sentir  adressées ici concernent donc ces deux unités sociologique : le rural  et l’urbain. Car les acteurs en question ne sont dissociables à ces deux espaces de vivre-ensemble.

L’indicateur, par excellence, de l’emprise des parafaits et paraphénomènes haïtiens est l’instabilité politique chronique que connait le pays ; La manière dont se succèdent les présidences : Assassinat ou empoisonnement, évincement ou coup d’Etat,  destitution ou démission par des forces contraignantes etc. ; La panoplie de constitution adopté par la république de 1804 à 2011 soit 25 constitutions sans oublier celle se 1801 qui fait partie de la liste complète. La détérioration de la situation économique du pays est aussi un autre élément indicatif des parafaits et paraphénomènes haïtien. L’un des grands problèmes du pays est l’émiettement / la parcellisation extrême des ressources de productions existantes. Tout le monde a peur de mettre leur ressource ensemble et de poursuivent des objectifs économiques communs.  D’ailleurs, on parle en « ti » on n’est pas prédisposé à penser gros : « M jwenn yon ti dyòb ; M ap fè yon ti biznis ; M gen yon ti kay ; M ap fè yon ti deplase. On connait le rapport entre langage et la pensée, la pensé et l’action.

Actuellement, ces parafaits peuvent se lire dans le rétrécissement considérable des possibilités de développement d’attitude de cohabitation et de coopération entre les membres des diverses horizons sociales. Si on regarde, par exemple, au travers de l’Université, du lycée, des soirées, des espaces de loisirs etc., ils se développent une grande tendance de polarisation sociale de ces espaces. Ce qui certainement aura ses répercussions sur l’état de la coopération politique et économique des membres de ces différents pôles.

Qu’est-ce en réalité un parafait ou un para-phénomène ? Les concepts « parafait » et « paraphènomènes » se réfèrent aux éléments que les activistes sociaux considèrent comme des éléments de désappointement social, dans une perspective normative de la sociologie. Il ne renvoie pas à une expression de déviance car ces éléments sont congruents avec l’état des réseaux de relations personnelles et un construit social qu’on pourrait considérer comme un système particulier. Ce système nous pouvons l’imagé par un « panier de crabes vivants ». Agissant en rationalité individualisant mais d’état collectif, les acteurs traitent grossièrement les événements sociaux en rupture avec l’accomplissement des idéaux ancrés dans les valeurs républicaines clairement exprimées dans la légende de la république d’Haïti : « L’Union fait la force ».

Cette légende semble avoir été motivée par la prise de conscience des leaders de l’époque de la difficulté de cohabitation harmonieuse des diversités ethniques africaines et européennes qui se trouvent sur le sol haïtien.  On avait compris donc que les valeurs de liberté et d’égalité que préconisait la révolution française devaient être renforcées par des valeurs de fraternité. Ces valeurs dans la société postmoderne est au centre des idéologies de la gouvernance sociale et la pérennité des sociétés. Les pères fondateurs de la République d’ Haïti, probablement s’attendaient à une forte coopération sociale et le placement des intérêts de la société globale au rang des intérêts supérieurs. Cent ans après, l’hymne nationale d’Haïti, la « Déssalinienne » conforte l’idée de la poursuite des idéaux d’une bonne coopération entre les générations présentes et futures. Il est dit ceci dans le premier couplet : «  …  Marchons unis, marchons unis, Dans nos rangs point de traîtres … ».

Trappe, ça et là, coups bas, par-ci par-là, en résulte une  Haïti qui recommence à chaque présidence. Le coopérativisme dessalinien qui convoitait pourtant un idéal construit en un cumul historique est dissipé dans l’âme nationale. En lieu, d’un rêve haïtien de fierté, de prospérité, et d’unité, périodiquement, des événements sociaux rétractent la marche de l’histoire. Ils reviennent monstrueusement comme des artefacts, luisant comme l’image à travers le miroir, sans la moindre observation voire son interrogation sociale. Cette attitude ne dénote-t-elle pas que cet image est un construit social ? A-t-on collectivement réfléchi sur l’étrange ressemblance des conjonctures qui ont occasionné le gâchis des deux festivités devant marquer l’une le centenaire, l’autre le bicentenaire de l’indépendance d’Haïti ? Pourquoi observe-t-on les mêmes caricatures événementielles depuis 1804 à nos jours ? Lwa al visite fanmi l ?

Nous proposons au lecteur un regard critique sur des faits et des phénomènes qui sont un trait d’union avec la réalité actuelle du pays. Cette prospection n’a pas pour objectif de perpétuer un négativisme idéologique au point de considérer le réel social haïtien comme indéniablement obscur. D’ailleurs nous les traitons comme des objets de curiosité sociologique. De notre point de vue sociologique, un fait ou phénomène social satisfait à une demande sociale. Il revient au normativiste de le qualifier d’accomplissement négatif ou positif.

L’ouvrage utilise un style académique qui n’accepte pas que le rédacteur manifeste un sentiment d’acception ou de rejet par rapport aux faits et aux phénomènes qu’il étudie.  C’est pour cette raison le « nous » ne doit pas être lu comme le « je » de l’auteur. Le travail est divisé en trois parties. Dans la première : « Incurie des protestations collectives en Haïti de 1900 à 1956 » nous mettons en perspectives des événements afin de dégager le sens et le fondement des changements de régime. Dans la deuxième partie : « Université en Haïti : Cathédrales de la foi, Instrumentalisation / et la Victimisation politico-idéologique et Palace de la Science »  nous analysons des protestations universitaires en les transposant dans leur décor macro-social. Dans la troisième partie : « De l’idiotie à l’idiosyncrasie haïtienne » met en exergue deux faits, vraisemblablement divers, mais qui révèlent un aspect important des parafaits et paraphénomènes haïtiens.

La méthodologie générale du travail est une combinaison deux perspectives de la démarche d’investigation en sciences sociales. Il s’agit de la démarche généralisante ou nomologique et de la démarche individualisate ou historique.  La première démarche est due au fait  que les finalités du travail tend à aider le lecteur à faire une généralisation suivant, d’abord intra-sociétal et ensuite extra sociétale suivant l’existence d’une dominance des similarités sociales. D’ailleurs les conclusions font une généralisation sur l’Haiti d’hier et d’aujourd’hui, sans négliger le lendemain. La deuxième démarche est l’alibi méthodique de la première. D’ailleurs, les données que nous traitons sont placées dans leur contexte temporel et spatial. Nous essayons au maximum ne pas substituer à l’historien, même s’il était éthiquement acceptable.

Nous avons donc fait des détours obligatoires pour expliciter les concepts de parafaits et paraphéomènes haïtiens, nous utilisons dans chacune des parties une méthodologie adaptée. Nous espérons que vous voudriez bien nous excuser de ces détours méthodologiques que nous avons pris le soin de présenter au début de chacune des parties. Dans la première partie nous utilisons la méthode historique ; Dans la deuxième partie la méthode génétique et dans la troisième la méthode fonctionnelle.

Nous n’avons pas la prétention ni d’arranger ni de déranger quiconque, même si nous sommes d’avis qu’exercer la sociologie peut faire les deux par ses quatre vérités. Tout au cours de ce travail nous avons essayé de faire notre cette pensée  de Pierre Bourdieu disant que : «  Le sociologue a la particularité, qui n’a rien d’un privilège, d’être celui qui a pour tache de dire les choses du monde social et de les dire autant que possible, comme elles sont : rien que de normal de trivial même en cela ».

Tant que l’haïtien ne fait pas sien cet adage qui dit : « Quant on commence à labourer on ne s’arrête pas qu’avant d’avoir abouti devant le Silo » le pays continuera d’être ce qu’il est sur les plans : politique, économique et social. Rien de mystique, ni de  théologique. Il s’agit d’une loi sociale « triplicielle » qui s’énoncerait ainsi : « Tout réel social, passé, présent et futur, a été, est et sera collectivement, matériellement et spatialement construit  suivant un processus tri-temporel : Construction, déconstruction et reconstruction ».  Bien sur, ce processus se réalise avec la dominance du social sur le matériel et le spatial car le premier qui crée les outils matériels et aménage les espaces.