mercredi 9 février 2011

Le Sociologue haïtien : Entre la neutralité axiologique et l’activisme social

Publié in Journal Le MatinAvril 2008, Port-au-Prince, Haïti et in Journal « Le Nouvelliste », Port-au-Prince,  Haïti, le 27 mars 2008, accessible sur : http://www.lenouvelliste.com/article.php?PubID=1&ArticleID=55976

Le sociologue haïtien :
Entre la  neutralité axiologique et l’activisme social

Il existe une différence d’ordre épistémique entre l’ « Intellectuel sociologue » et l’ « Expert sociologue », telle est l’idée centrale de cet article. Cette différence tient compte du fait que les productions intellectuelles du premier sont conçues dans une perspective de recherche fondamentale, alors que celles du second sont produites dans le cadre d’offre d’expertise à des tiers. L’article explore l’éventualité de l’existence d’une sociologie haïtienne et met en évidence la nécessité d’objectivité et de distance axiologique de l’intellectuel sociologue. Par ailleurs, il prend le contre-pied de l’idée d’instauration d’une sociologie activiste et publique en Haïti, en raison du contexte sociopolitique actuel du pays. Enfin, un appel est lancé pour la corporation des intellectuels sociologues évoluant dans le milieu et aussi pour l’établissent d’un discours sociologique.

Prof. Jean Laforest Visené

A la Faculté des Sciences Humaines (FASCH) de l’Université d’Etat d’Haïti (UEH) il y a, à la fois, un Département de Sociologie et un Département de Service social. Quel est le sens de l’existence de ces deux départements, si la formation sociologique dispensée dans cet établissement aurait comme principale finalité : L’interventionnisme social[1] ?  Quel serait, alors, les lignes de détermination des responsabilités et des champs de compétences entre les travailleurs sociaux et les sociologues formés à la FASCH ? En référence à la mission de l’Université, ne doit-on pas plutôt argumenter que cette dualité départementale répond à un besoin de complémentarité : « Recherche et service à la communauté »? 

J’ai suivi avec beaucoup d’intérêt le débat initié sur ce que devrait être la sociologie haïtienne. Des critiques sévères sont adressées, à tort ou à raison, aux sociologues haïtiens en ce qui concerne la contribution de leur recherche à la compréhension des problèmes sociaux du pays. L’enseignement universitaire dans le domaine de la sociologie est aussi coté négativement. Un aspect du débat qui a particulièrement retenu mon attention et certainement, celle des lecteurs avisés est celui de la mission de la sociologie. Quel que soit l’espace considéré, la sociologie a-t-elle une mission d’activisme social et/ou de gardienne des cités ? Quels sont les risques pour le développement de la sociologie haïtienne, si l’on ne fait une démarcation entre science et politique / idéologie ? En quoi un verbalisme délibéré et irrespectueux à l’égard de la sociologie haïtienne peut-il aider à la construction d’un discours sociologique en Haïti ? Autant de questions qui mériteraient d’être élucidées.

Pour faire le point sur l’indexation de la sociologie haïtienne, je porterai un regard critique sur le principe de neutralité axiologique initié au début de la sociologie. Ensuite, j’exposerai les limites de cette neutralité axiologique. Enfin, je prospecterai la sociologie comme terrain de bataille politique et d’insertion sur le marché du travail. Bien avant, abordons l’éventualité de l’existence d’une sociologie haïtienne.

1.      Existe-il une sociologie haïtienne ?

Deux prémices sont essentielles pour l’existence d’une sociologie haïtienne : Premièrement, il faut que les compétences existent ; Deuxièmement, il faut que la recherche soit formalisée, structurée et même institutionnalisée. Ces deux prémices se traduiraient par :
1)     une corporation d’intellectuels sociologues ;
2)     L’existence d’organes de communication et de diffusion des recherches sociologiques ;
3)     Le développement d’une nomenclature propre pour expliquer les réalités étudiées.

Les critères permettraient, au moins, d’évoquer l’existence d’une sociologie haïtienne. Peut-on dire que ces deux conditions sont réunies en Haïti au point de parler d’une sociologie haïtienne?

Il est un fait que la recherche sociologique est très pauvre, pour ne pas dire inexistante en Haïti. Il n’y a pas de discours sociologique institué. Le métier de sociologue n’est pas organisé / structuré dans le pays. Il n’y a pas, non plus, d’espace de débat sociologique. A part l’enseignement dispensé dans les centres de formation universitaire et quelques rares fois dans des débats médiatiques, il n’y a pas d’espace où la réalité sociale haïtienne puisse être analysée. Il n’y a même pas une revue de sociologie en Haïti.

Il est malheureux de constater que des œuvres purement littéraires sont cataloguées de recherches sociologiques. Des papiers sur des sujets, certes sociaux, dont aucun protocole  d’investigation n’a pas été défini et validé, sont présentés comme s’il s’agissait de recherche sociologique. Le pire est qu’il n’y a pas d’instance de validation des recherches sociologiques en Haïti, à part les mémoires des étudiants en sociologie. Je ne parle pas de censure à la recherche, mais il est nécessaire que les résultats soient passés au crible de la démarche sociologique avant qu’ils ne puissent être communiqués comme données sociologiques de la réalité haïtienne.

Les considérations, ci-dessus, permettent de tirer cette conclusion : Il n’existe pas une sociologie haïtienne dans le vrai sens du terme. Les recherches types qui existent sont le résultat d’efforts isolés. Malgré ce constat de déconvenue dans la pratique de la sociologie en Haïti, doit-on opter pour une sociologie activiste, avant-gardiste et militante dans le milieu ? La sociologie haïtienne ne devrait-elle pas plutôt se construire sur le principe de distance axiologique afin d’éviter qu’elle soit cataloguée de position idéologique ?

2.           Neutralité et distance axiologique : Principe épistémique initié au début de la sociologie

Qu’est-ce que la neutralité et / ou la distance axiologique ? S’agit-il uniquement d’une conception wébérienne de la sociologie ou de critères fondamentalement épistémiques indiquant l’attitude que devrait avoir le sociologue vis-à-vis de son objet d’étude ? Avant même de répondre à cette question, il faut  attirer l’attention sur la catégorisation des disciplines dans une perspective épistémique.

Dans une logique épistémique, Jacques Leclerc[2] classifie les sciences sociales en trois catégories[3] :
1)     Les sciences normatives dont la finalité est de connaître afin d’établir des normes et  des règles de conduite. Elles cherchent à connaître en vue de guider l’action. Ces sciences servent de référence aux institutions de maintien de la cohésion sociales et aux appareilles idéologiques d’Etat pour dicter ce qu’on doit faire, comment il faut organiser la société, sanctionner, de manière positive ou négative, les comportements des acteurs sociaux ;

2)      Les sciences positives qui se bornent à observer, à classer, analyser et interpréter les faits. Ces dernières cherchent seulement à connaître, quitte, par la suite, que les résultats des recherches soient exploitées par les acteurs sociaux.

3)      Les disciplines spéculatives qui ont une portée générale dont l’ambition est universaliste. Alors que dans les deux premières catégories l’expérimentation est possible et même nécessaire pour la mise en évidence des faits, dans la catégorie des disciplines spéculatives, seul la démarche du raisonnement peut être exploitée pour y parvenir.

Revenons au concept de neutralité axiologique. Pour Max Weber, la neutralité axiologique consiste à ce que le chercheur s’interdit de produire des jugements sur les conceptions du monde et d’exercer une vigilance épistémologique à l’égard de ses propres croyances et de ses engagements[4]. Il s'agit donc de faire une distinction entre jugement de faits dont la validité est universellement acceptable et jugement de valeurs qui est relatif à la personnalité du chercheur[5]. Certes, Louis Althusser, a fait valoir que « tout scientifique est affecté d'une idéologie ou d'une philosophie scientifique »[6]. Cependant, comme l’a dit Weber, le chercheur sociologue ne doit pas porter de jugement normatif sur les valeurs qu’il analyse.

Il y a lieu de faire une distinction entre jugement de valeurs et rapport aux valeurs que le chercheur entretient[7]. Tandis que le jugement de valeurs est une critique basée sur les valeurs de référentielles du chercheur, le rapport aux valeurs décrit l'action d'analyse du chercheur qui, en respectant le principe de neutralité axiologique, fait des valeurs d'une culture des faits à analyser sans émettre de jugement normatif sur celles-ci. Dans « Les règles de la méthode sociologique (1895) » et « Le suicide (1897) », Emile Durkheim expose de manière cohérente ce que doit-être la sociologie : une science purement positive, étudiant les faits, rien que les faits, soucieuse seulement de l’exactitude dans l’analyse des faits dûment observés. Le chercheur, d’après lui doit « considérer les faits sociaux comme des choses ».

Au regard des considérations épistémiques, ci-dessus, on peut faire une différence entre le discours sociologique et le discours « sociomorgique[8] ». La sociologie n’a pas d’opinion, elle ne croit pas, ne pense pas non plus. Le chercheur sociologue doit donc, démontrer sans aucun attachement / sentiment d’appartenance, ni d’émoi. La production de savoir sociologique, quel que soit l’espace, doit respecter le principe de neutralité axiologique de la recherche. Le chercheur, en dépit du fait qu’il est lui aussi, individu social, produit de l’idéologie, de même nature que l’essence de son objet d’étude, et ait cette possibilité de se confondre volontairement ou de se distancer avec lui, il doit toujours avoir à l’esprit que la sociologie comme toute autre discipline scientifique vise l’objectivité. La distance axiologique est nécessaire en sociologie et dans toutes les sciences sociales en raison même de la nature de l’objet d’étude. Il revient à chaque chercheur, suivant son domaine de recherche, de trouver sa formule de neutralité scientifique vis-à-vis des faits, des phénomènes et des réalités sociales qu’il observe, analyse et interprète.

3.      L’impossible neutralité totale dans l’analyse sociologique

Dans les sciences sociales il est difficile d’avoir un recul complet vis-à-vis de son objet d’étude. Ce recul est difficile pour plusieurs raisons :
1)     Le chercheur est lui aussi « individu social ». De ce fait, il est porteur de valeurs, doit se courber à des normes sociales. Il subit, comme monsieur tout le monde, les pressions de son environnement social[9] ;

2)     Il est le produit d’une psychosociologie de son milieu, conditionné par l’hérédité, développant sa propre personnalité au travers de son histoire. C’est dans ce contexte que Karl Mannheim[10] a émis l’avis de l’influence de l’origine sociale du savant sur sa manière de choisir et d’interpréter son objet d’étude.

3)     Troisièmement, en tant qu’individu social, il a ses intérêts dans le jeu du système social, parce qu’il est idéologiquement ou utopiquement positionné.

 Comme le postule Madeleine Grawitz[11] c’est l’équation personnelle du chercheur qui est en cause dans toutes les sciences sociales. En raison même du fait que le chercheur est lui aussi porteur de valeurs sociales, doit obéir à des normes sociales compromet la mise en application d’une neutralité / distance axiologique.

Il est évident que la neutralité axiologique à ses contraintes. Même Durkheim qui revendiquait la sociologie comme une science positive n’a pas pu se contenir au point que dans « La division du Travail social (1893), il a affirmé que : « Notre premier devoir actuellement est de nous faire une morale. La science peut nous aider à trouver le sens dans lequel nous devons orienter notre conduite » Il a fait cette déclaration dans la logique d’apporter une solution à la crise morale redoutable de son époque[12].

La sociologie, quelque soit le pays ou l’espace considéré, subit le poids des préjugés philosophiques et des préoccupations politiques du milieu[13]. L’idée d’une sociologie totalement positive est certes inconcevable, mais, comme le dit Mannheim, il appartient à l’intellectuel de traiter les faits sans attaches et de  faire la synthèse des perspectives. Il n’y a pas de recette en la matière, il revient à chaque chercheur de limiter le degré de subjectivisme des résultats de leur recherche sociologique. Le seul moyen conseillé pour y remédier c’est le travail en équipe, même à ce niveau l’objectivité n’est pas totalement garantie[14].

4.      La sociologie comme instrument d’activisme social, de militance politique et d’expertisme

Doit-on admettre qu’on fait de la vraie sociologie quand, au départ, l’intéressé  conçoit la discipline comme un instrument de bataille politique, d’activisme social et  de vente d’expertise ? N’y a-t-il pas, ici, le risque de faire plutôt de l’idéologie que de la sociologie ? La liberté intellectuelle et la distance axiologique du chercheur font elles de ce dernier un distant, un indifférent et insensible aux maux sociaux?

Le sociologue Henri Lévy-Bruhl, après avoir écrit : « Qu'il importe de maintenir une distinction nécessaire entre la science et ses applications»[15]  a estimé que les efforts intellectuels dépensés dans toutes les branches du savoir ne sont payés que par les résultats qu'ils peuvent donner. D’après lui, si la science ne devait pas aboutir à une amélioration de la condition humaine, il ne vaudrait même pas une heure de peine. D’où la critique de la raison d’être des sciences à perspectives pacifiques vis-à-vis des réalités sociales étudiées. C’est dans cette logique que Robert Castel se demandait : « à quoi ça sert la sociologie ? ». Toutefois, il a reconnu que l’idée de répondre à une demande sociale peut conduire le sociologue à transiger avec l’exigence d’objectivité en se laissant guider dans ses recherches par les demandeurs.

Il faut souligner que la sociologie est à la fois une discipline intellectuelle et une profession[16]. Elle est une discipline intellectuelle en ce sens que les sociologues basent leurs travaux sur des courants de pensée qui unissent les spécialistes de la discipline. Elle l’est aussi par le fait qu’il y a une manière de collecter les données, de raisonner, d’argumenter, d’analyser et d’interpréter les informations pour que les résultats soient acceptés comme tels.  Elle est, par contre, une profession / métier du fait que le spécialiste de la sociologie peut vendre ses compétences à des tiers. Dans le premier cas, il s’agit de recherche fondamentale, alors que dans le second cas c’est de la recherche commanditée. Il faut donc distinguer les papiers de l’intellectuel sociologue de celui de l’expert sociologue. Tandis que le premier produit un jugement d’observateur, le second produit un jugement de prescripteur basé sur des valeurs référentielles. Il faut préciser que l’expert sociologue, en dépit du fait qu’il est subordonné par ses commanditaires / patrons, n’est pas contraint pour autant de produire de jugements de valeurs. Cependant, il n’est pas, non plus, obligé d’avoir une distance axiologique dans son travail.

Jenny Alain a attiré l’attention sur les liaisons dangereuses entre la Science et la Politique[17]. Cette liaison est dangereuse par le fait qu’elles relèvent de genres différents car la recherche de la vérité s’oppose aux fins poursuivies par le politique et les méthodes sont divergentes. Antoine Tine[18], pour sa part, dans une étude portant sur le multipartisme au Sénégal a montré comment le discours scientifique peut être bafoué par le fait que des chercheurs n’ont pas pu contenir leur préjugé idéologique. Leur évaluation reste superficielle, peu objective, manquant de distance axiologique.

En faisant de la sociologie un terrain de bataille politique, d’activisme social, le risque est évident que le discours livré pourrait être simplement des positions idéologiques, des convictions[19]. Quant on la considère comme expertisme professionnel, la liberté intellectuelle est hypothéquée et l’expert doit produire un discours qui aille dans le sens du bénéfice de ses commanditaires. Il exerce, certes, un magistère fondé sur le savoir, mais il produit des faits normatifs, des qualifications et des déqualifications qui ont un statut de droit[20]. Le discours de la vraie sociologie est celui du savant sociologue qui fait de la recherche fondamentale donc, uniquement pour l’avancement de la discipline[21]. 

Il est, certes, compréhensible que le principe de neutralité axiologique donne l’opportunité de qualifier la sociologie de science réfractaire et même au service des classes dominantes, de l’idéologie impérialistes et des forces répressives qui entretiennent les conditions d’exploitation des masses. Cependant, il faut qu’on dise que la recherche sociologique met aussi en évidence l’injustice dans la société. Cependant, en tant que science positive, elle ne la condamne pas, ne prend pas, non plus, de position au coté des victimes et n’ose pas, péremptoirement, proposer de recettes pour attaquer les maux sociaux. Ces perceptions de la sociologie, comme une science complice,  sont des clichés idéologiques et la science doit les dépasser. Force est de faire valoir cette position méthodologique d’Auguste Comte qui précise qu’il revient au sociologue de découvrir par une observation neutre sans admirer ni maudire son objet d’étude.

Cette position de neutralité axiologique n’est pas pour autant complice de quoique ce soit. D’ailleurs comme l’explique Bourdieu, on ne peut pas tenir pour nul le message de la sociologie qui, en réalité, met à découvert le cycle  des maux sociaux : problème, cause, effet, mutation / évolution. L’auteur précise qu’on ne peut pas ignorer « l’efficacité du message sociologique ». Il permet, d’après lui, à ceux qui souffrent de découvrir la possibilité d’imputer leur souffrance à des causes sociales[22]. Par ailleurs, il faut noter qu’il revient aux décideurs politiques, aux activistes sociaux, à partir de l’évidence des faits présentés par la recherche sociologique de prendre les dispositions pour corriger les écarts constatés[23]. Comme le pensait Lenine et Gramsci : « Rien n’est plus révolutionnaire que la vérité ». Dans ce cadre là, le savant sociologue obéit lui aussi au principe de responsabilité sociale du chercheur.

5.      En guise de conclusion

Dans cet article on a vu le rôle que devrait avoir la sociologie haïtienne : la mise en évidence de faits et des phénomènes relatifs à la société haïtienne. J’ai essayé de mettre en exergue les pièges d’un activisme sociologique en Haïti au regard du contexte politique actuel du pays. J’ai soutenu, qu’à part la démarche systématique de la sociologie, ce qui peut faire la crédibilité de la recherche sociologique c’est la neutralité du chercheur. Les limites de cette neutralité idéale ont été aussi mises en évidence. J’ai insisté sur le fait que dans son costume d’analyste professionnel des faits et des phénomènes sociaux, le sociologue n’est ni bourgeois, ni élément de la classe moyenne, ni prolétaire, quoique socialement il se situe dans l’une ou dans l’autre de ces classes.

Par ailleurs, j’ai expliqué que le rôle d’activisme social qu’on voudrait assigner à la sociologie est celui des Services sociaux et des autres disciplines des sciences normatives. Il revient aux professionnels de ces disciplines, d’exploiter les travaux de la recherche sociologique afin de définir l’idéal sociétal. Il n’est pas de mise de faire référence à Platon, pour péremptoirement désigner le sociologue haïtien comme le principal gardien de cités haïtiennes. Dans ce contexte d’instabilité permanente qui existe en Haïti : Politique[24] et Recherche sociologique ne feraient bon ménage.

Malgré cette position, je partage l’avis selon lequel il faut instituer un discours sociologique en Haïti. Je partage aussi l’avis selon lequel qu’il faut une amélioration de la qualité de la formation sociologie dispensée en Haïti et de l’adapter aux véritables besoins du milieu. J’en profite pour lancer un appel aux intellectuels sociologues d’Haïti à s’organiser en corporation. Par ailleurs, l’état actuel de la recherche sociologique en Haïti n’autorise pas à parler de déficience de la pensée haïtienne. Les intellectuels sociologues haïtiens, qui soit détiennent les chaires de sociologie dans les centres universitaires, soit font de la recherche sociale, sont en mesure de rectifier les écarts constatés.  A mon humble avis, le problème est, épistémologiquement, mal posé.  Le débat devait être, d’abord, situé au niveau de la structuration de la recherche sociologique en Haïti.

Mais quel est le sens de la dualité départementale : Sociologie et Service social à la Faculté des Sciences humaine de l’UEH, si les diplômés de ces deux départements n’auraient pas de champs de compétence distincts et pratiqueraient simplement l’interventionnisme social ?

Jean Laforest Visené
Sociologue
Professeur à l’UEH

Notes et références bibliographiques


[1] Je fais ici référence à une définition fonctionnelle du concept « interventionnisme social ». Il est utilisé ici comme étant le cadre par lequel des professionnels apportent aide et accompagnement à la résolution de problèmes sociaux. Pour des définitions complémentaires voir Rapport annuel 2005 : L’intervention sociale – Un travail de Proximité, Editions La documentation française, Paris 2006.
[2] Jacques Leclerc, Du droit naturel à la sociologie, Imprimerie des Editions SPES, Paris 1960, page 7.
[3] Voir aussi Pierre Arnaud, Sociologie de Comte, Collection SUP, Presses Universitaire de France, Paris 1969.
[4] Yves Alpes et Al., Lexique de la Sociologie, Dalloz, paris 2005, p.  175.
[5] Gilles Ferréol (Sous la direction), Dictionnaire de sociologie, Edition Armand Colin, Paris, 2004, p. 126.
[6] Louis Althusser, Philosophie et philosophie spontanée des savants, François Maspero, 1967, p. 76).
[7] Raymond Boudon et Al., Dictionnaire de sociologie, Editions Larousse – Bordas /Her, Paris 1999, p. 162 - 163.
[8] J’entends par discours sociomorgique toutes les communications qui ont comme finalité principalement la provocation de changements au niveau de leurs cibles.
[9] Robert Campeau et Al., Individu et Société, - Introduction à la sociologie, Gaétan Morin Editeur, Montréal, 1993, p. 20.
[10] Karl Manheim, Philosophie et sociologue émigré en Angleterre, Essays on the sociologie of Knolwledge, 1952.
[11] Madeleine Grawitz, Méthodes des sciences sociales, Editions Dalloz, Paris, 1996, page 302.
[12] Lire l’article de Sophie Jankelevitch : “ Durkheim : du descriptif au normative”  sur :  www.multitudes.samizdat.net, mise en ligne le 11 octobre 2003.
[13] Pierre Bourdieu et Al. Dans « Le métier de Sociologue (1987) « ont soulevé ce problème.  Le sociologue est lui aussi socialement enraciné.
[14] Herbert Marcus, dans : « l’homme unidirectionnel » a mis en évidence la subjectivité même au niveau du travail en groupe.
[15] In la Revue Socialiste, 27, avril 1949, pp. 249-255
[16] Alex Inkeles, « La sociologie en tant que profession », in Qu'est-ce que la sociologie ? Une introduction à la discipline et à la profession. Traduit de l'anglais. Scarborough, Ontario : Prentice-hall of Canada, ltd.
[17] Jenny Alain, Science et politique - Les liaisons dangereuses,  Editions Romillat, Collection Zénon, 2003.
[18] Antoine TINE, Du multiple à l’un et vice-versa? Essai sur le multipartisme au Sénégal (1974 -1996), Institut d'Études Politiques de Paris, Franc.
[19] Guy Bajo, Le changement Social – Approche sociologique des sociétés occidentales contemporaines, Editions Armand Colin Paris, 2003, pp 56, 66.
[20] Patrick Champagne et Al., Initiation à la pratique sociologique, Editions Dunod, 1999, Paris, pp. 88-89.
[21] Jean Claude Passeron (dans Le raisonnement sociologique l’espace non poppérien du raisonnement naturel, Nathan,  Paris, 1991) dénonce la tentation du sociologue à imposer ses propres représentations et à s’instaurer en juge de ce qui est ou serait.
[22] Pierre Bourdieu, La misère du monde, Editions Seul, Paris, 1993, cité par Henri Maler, A propos de la misère du monde : Politique de la sociologie, sur :  www.multitudes.samizdat.net, mise en ligne le 14 octobre 2003, pp 7 et 8.
[23] La sociologie n’est ni une idéologie ou l’utopie, ni la morale. En ce sens, elle ne peut pas être prise dans la perspective de projet alternatif. Précisons aussi que l’idéologie mystifie pour pouvoir légitimer la position et l’action de l’acteur. L’utopie, quand à elle, invoque un projet alternatif pour changer l’ordre social. Le sociologue n’est ni là pour conserver quelque chose qui répond aux intérêts particuliers, ni pour projeter un changement qui répond à l’intérêt général. Elle est une science, même si l’intellectuel sociologue est lui aussi un acteur social.
[24] Ici, le concept « Politique » est pris dans le sens de  la décision d’intervenir et d’agir, dans un sens ou dans un autre, sur le vivre ensemble.

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