Quelle EST la nature de la militance de la sociologie dans un pays comme
Haïti ?
Par Jean Laforest Visené, M.A.
Cet article n’a
pas pour but de faire un historique de la contribution de la sociologie ou des
sociologues, eux-mêmes à la lutte sociale, idéologique et politique en Haïti.
En dépit de l’intérêt de la sociologie haïtienne pour la quête de liberté et de
démocratie en Haïti, l’article se limite à rechercher l’utilité que peut avoir
la sociologie et dans un contexte particulier comme celui dans lequel se trouve
l’haïtisme. Nous reconnaissons, par contre, le rôle politique et idéologique
joué, depuis, jadis, par d’éminents sociologues haïtiens dans la vie sociale et
politique haïtienne.
Afin d’expliquer la
nature de la militance de la sociologie en Haïti, nous faisons une typologie de
l’art sociologique ; Ensuite, regardons, en quoi la connaissance
sociologique peut être porteuse de germes de changement social ; Et enfin,
nous analyserons les limites du savoir sociologique en raison de la « dyadicité »
fonctionnelle et relationnelle du sociologue.
1.
Typologie des sociologies
Il est un fait
qu’il y a plusieurs variantes dans l’exercice de la sociologie et que la
réflexion sociologique est naturelle. Quel que soit le niveau de sociologie il
faut aussi reconnaitre qu’elles ont toutes leur rôle et leur importance dans
une vue globalisante de la réflexion sur l’objet d’étude de cette discipline.
Qu’elles soient officieuses, ou officielles, académiques ou non conventionnelles,
exercées consciemment ou inconsciemment, ces sociologies sont différentes et s’expriment
à travers quatre principales variantes de la réflexion sociologique.
Les variantes sociologiques
en question sont :
a) Une sociologie populaire
Chaque membre
d’une communauté en raison du processus de leur socialisation connaissent le
cadre normatif régissant l’action des membres de la collectivité, les analysent
et les interprètent afin de donner une réponse appropriée. C’est ce qui
explique le fait que les membres des collectivités comprennent les moindres
faits et gestes des autres membres de leur collectivité, agissent ou réagissent
à leur demande. C’est ce qui explique aussi qu’ils ont des préjugés par rapport
tout ce qui leur est socialement étranger.
Apprenant les
mœurs, les us et coutumes, imprégnant les légendes et les mythes de sa
collectivité, de bref le cadre normatif
de l’action social de son environnement, chaque individu sait quand il est en
infraction avec les valeurs auxquelles il est lié à sa collectivité. Qu’on
l’appelle sociologie du sens commun, sociologie native, sociologie portative,
sociologie implicite ou sociologie latente cette compréhension de son cadre
d’action social n’est autre qu’une sociologie du sens qui fait qu’on peut dire
qu’il est un individu social.
b) Une sociologie critique comme une forme de réflexivité
intellectualisant sur la vie collective
Appelé aussi sociologie engagée ou sociologie engagé,
cette variante a une ambition missionnaire.
Cette variante sociologique s’articule sur la thèse que le sociologue
appartient a une société et qu’il y joue un rôle social. Dans cette perspective
son travail ne se résume pas uniquement a décrire et a constater le problème,
mais aussi et surtout a attirer l’attention sur les maux qui y sont liés et de
les condamner. A titre d’exemple, la pauvreté, l’exclusion, les nouvelles
évolutions des mœurs ou des valeurs familiales au regard de la morale.
c) Une sociologie publique
A vocation
normative dont la finalité est l’application ; Selon Bourawoy, la
sociologie publique ne s'oppose pas à celui de la sociologie universitaire; il en est son complément. Elle consiste, dit-il, à faire des problèmes privés des questions
publiques. C’est une sociologie un peu caméraliste
d) Une sociologie académique ou
universitaire, cognitive
A prétention savante, positive, impartiale ou
neutre ; ayant une farouche place à la description.
A ces types de
sociologie correspond quatre types de savoirs: ceux des
"professionnels" les mieux formés de la discipline, les
universitaires et chercheurs; les savoirs critiques; les savoirs ((appliqués))
concernant la mise en œuvre de politiques; et les savoirs "publics (2)".
2.
Induction militante naturelle du savoir
sociologique
·
Aider la société à s’interroger sur elle-même ;
·
Nous sommes solidaire dans la réussite comme dans l’échec ;
·
Même nos plus simples gestes en tant qu’individu social et ou en
interaction avec autrui est un intrant dans le social ;
·
Ce sont les individus qui construisent le réel social. Nous sommes des
héritiers du réels social passé et nous
lèguerons à nos enfants, biologique ou spirituels, ce héritage, amplifié par
notre vécu social Nous et le biotope socio-matériel participent au formatage
des individus, des collectivités et des institutions ;
·
Un bonjour, un « mèd », un « gèt manman », une
mauvaise mine, tout comme un sourire, un geste de magnanimité, un geste de
fairplay peut ne pas avoir effet uniquement sur le destinataire qui lui-même
est en interaction avec autrui.
·
Que nous portons l’étampe des démons que nous avons-nous-même construit et
nous les remodelons suivant un processus
qu’aucun individu, en soi, n’est pas maitre.
·
Nous sommes dans le film, à la fois comme acteurs et comme
spectateur ;
·
Le réel social, harmonieux ou tumultueux, n’est pas une fatalité ;
La sociologie
trouve son statut de militance dans le caractère libertaire de la connaissance.
La sociologie en tant que science a pour responsabilité de d’élucider les faits et les phénomènes,
c’est-à-dire établir la vérité et rien que la vérité sur les réalités
communautaires ou sociétaires. Le premier prophète chrétien a eu raison de dire
à ses compatriote Juifs : « Vous connaitrez la vérité et la vérité
vous affranchira » (Jean 8 :32). La sociologie porteuse de la vérité
scientifique sur l’échafaudage des réalités sociales les plus simples au plu
complexe est une source de liberté. Car elle est la lumière de l’ombre des
ténèbres de l’ignorance et ou de l’incompréhension. Voilà pourquoi la
sociologie est considérée comme la science dérangeante. Et que plus d’un
cherche à l’avilir et la ternir pour éviter qu’elle joue son vrai rôle en
Haïti.
Connaissant que
la sociologie est porteur de savoir pour faire prendre conscience à la masse
chacun d’entre nous détient une partie du pouvoir et que chacun d’entre nous
est géniteur de l’avenir, la sociologie n’est pas bien vu des acteurs
malicieux, inconstant et incohérents.
Les esprits des
morts que nous croyons qui hantent nos vies ont été créés par nous-mêmes et
habitent en nous parce que nous en sommes leurs héritiers. Ils sont éternels à
travers nous et continuerons à l’être à travers nos fils et nos filles.
Contrairement à
ceux qui pense que la sociologie à un rôle de dénonciateur, et qu’elle doit
être contre le système, je répondrai pour dire que la sociologie, ni avocat de
la partie demanderesse, ni avocat de la partie défenderesse, non plus un
procureur, non plus le juge qui prononce la sentence pour déterminer qui avait
tort ou qui avait raison. Elle n’est ni à gauche, ni à droite, elle n’est ni
socialiste ni capitaliste. Pire encore de la considérer comme une mercenaire,
qui au gré d’un gain et/ou des intérêts épure les laideurs et/ou enhardissent les beautés.
3.
De l’académique naïf a une forme pathologie
de la pratique sociologique
Le rôle de la sociologie n’est que celui de l’observateur neutre, impartial
qui dit le mot de la vérité sur les faits humains collectifs, qui met en
évidence d’une manière accessible, c’est-à-dire visible et compréhensible, les
faits et les prénommes sociaux qui ne le sont pas immédiatement. En approfondissant
des faits et des phénomènes, que peut-être beaucoup connaisse déjà, il joue une
partition sociale très importante dans le processus de la résolution des problèmes
sociaux.
Il est vrai que le sociologue est un
homme de la caverne. Comme tout citoyen, il fait partie de la société
c’est-adire qu’il est a l’intérieur, a la fois comme acteur (interagit),
spectateur (a ses jugements de valeurs ou intéresses) et observateur (qui doit
dire le mot du réel social observée selon un cadre scientifiquement établit,
circonscrit dans les limites de la position de pouvoir observer) (1). Donc l’exercice de la profession de sociologue
n’enlève pas au sociologue son rôle s’activisme social. Mais dans sa fonction
de sociologue il doit faire l’effort d’être au dessus de ses intérêts sociaux,
de ses valeurs et de ses préjugés non scientifiques. Il revient à l’acteur
social de savoir comme exploiter la connaissance offerte par la sociologie pour
affiner et aviser sa position d’acteur social.
La sociologie c’est
une science, ayant, certes, son caractère limitatif en raison de la nature de
son objet d’étude, elle demeurera une science ! La pratique faisant du
sociologue a la fois un scientifique et un activiste politique et/ou social est
une forme d’existence pathologique de la discipline. En dépit, de cette cela,
nous reconnaissons que ce n’est pas l’activisme n’est pas le principal problème
de la sociologie. Bien qu’il peut être un positionnement stratégique pour
comprendre les dessous de la chose sociale.
Tenant compte du
degré de l’illettrisme masse qui existe en Haïti et des limites des mass-médias
on se demande si la militance de la sociologie ne resterait pas un outil de la
défense de la société civile uniquement dans ses potentialités si les
sociologues ne participent pas eux-mêmes activement a la défense des droits, en
particulier de ceux qui en sont les plus faibles.
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(1) De ce fait le discours du sociologue peut
porter l’empreinte des contingences politiques et historiques.87
(2)
Michael Burawoy, Pour la sociologie publique, http://socio-logos.revues.org/11
Jean Laforest Visene
Sociologue, MA Sc. Dev.
Professeur à l'Université
d'Etat d'Haïti
Sociologue, M.A. Sciences du Développement
Email: visenejl@gmail.com
http://www.visenejl.blogspot.com