vendredi 13 juin 2014

RESOLUTION DE CONFLIT ET DIALOGUE POLITIQUE DANS LES PAYS EN CONFLIT OU POLITIQUEMENT INSTABLES


résolution dE conflit et Dialogue Politique dans leS Pays en Conflit ou politiquement instables

Jean Laforest Visene, M.A.

Dans la quasi-totalité toutes les résolutions du Conseil de sécurités des Nations Unies sur l’installation et le développement des missions de maintien de paix dans les pays instables insistent sur le fait que les missions doivent fournir un appui, sous divers aspects, au gouvernement locaux afin de parvenir à la pacification de leur pays (1). Spécifiquement, lesdites résolutions engagent les missions à : (i) Supporter les efforts des autorités locales à adresser les causes profondes du conflit ; (ii) Assister les autorités dans la médiation et la réconciliation tant au niveau national qu’au niveau local.

Dans ce contexte de mandat conféré par les résolutions que nous rédigeons ce papier de réflexion sur la manière dont les conseillers politiques des missions peuvent orienter la conduite du dialogue dans les pays en conflit ou instable, tant au nationale qu’au niveau  régional. Cette réflexion et proposition se base sur l’hypothèse que : L’origine et la persistance du conflit dans beaucoup de pays trouve sa source dans l’absence d’espace de dialogue, de négociations politiques au niveau global de ces pays. Quand ils en existeraient, les processus de dialogue seraient biaisés de transparence, d’inclusion et de crédibilité.

 Quelle devraient être les objectifs des processus de dialogue politique dans les pays en conflit ou instables ? Comment orienter stratégiquement ces dialogue, à savoir les principes directeurs, les prérequis et autres ? Quelles sont les différentes opérations à conduire et aussi les responsabilités tant au niveau locales qu’au niveau internationales ? Comment organiser le processus en commençant par la recherche de la crédibilité des médiateurs, les facilitateurs et les observateurs ;  les types d’assises à organiser ; les parties à être associée etc. ? Voilà autant de question qu’aborde ce papier de réflexion et de proposition.

I.                    Objectif

Le dialogue politique au sein des pays en conflit ou instable devait avoir comme principal objectif le remplacement de la dialectique des armes par des fora de discussion entre les protagonistes leur permettant de faire des offres raisonnables de sortie de crise et prenant en compte les revendications justes des parties. Ce processus devait permettre d’organiser un dialogue national régional avec tous les acteurs internes. Ces fora doivent être décisionnels, aboutissant à un accord politique global.

En termes d’objectifs spécifiques le dialogue politique devra :
·         Créer les conditions minimales de confiance propices au dialogue national et des pourparlers régionaux ;

·         Parvenir à un accord politique global sur des questions de fonds du conflit et des opérations prévues par le résoudre.

·         Initier les bases solides pour la pérennité de la stabilité interne du pays et la prévention des potentiels conflits futurs.

Quelles sont les conditions pour l’atteinte de ces différents objectifs et  quelle méthodologie ?

II.                  Orientation stratégique

La stratégie de l’organisation du dialogue politique doit être articulée autour des principes directeurs adaptés au contexte politique du pays. Cependant, universellement, les principes, ci-dessous doivent être figurés parmi les conditionnalités du dialogue. Ce sont :

·         Le dialogue national et les pourparlers régionaux devront être fait sur des questions politiques globales et sur des questions de fonds de la pacification du  pays tels que : la mise en œuvre du programme DDR, la Réforme du secteur de sécurité (RSS) du pays, la Réconciliation nationale, Justice transitionnelle etc.

·         Le dialogue national et les pourparlers régionaux devraient être organisés de manière  être inclusive, franche, loyal et ordonné.

·         Les parties doivent donner leur adhésion au principe de dialogue national et de pourparlers régionaux objectifs comme canaux pour la résolution du conflit. Cette adhésion peut être manifestée par la signature d’un code de conduite à adopter au cours des négociations et à la fin du processus, incluant l’engagement du respect des résultats des assises.

·         L’adhésion des protagonistes aux assises devrait être volontaire ainsi que l’engagement des autres acteurs à jouer un rôle de médiation et de facilitation. De ce fait, aucune rétribution en espèce ou en nature ne devra pas requise par les parties pour prendre part aux assises.

Comme prérequis au dialogue, il devrait y avoir :

·         L’arrêt temporaire des hostilités entre les protagonistes, tout au moins, durant la période des négociations ;
 
·         L’Intérêt des protagonistes à résoudre pacifiquement le conflit. Il est vrai, d’un point de bue global, un conflit n’est jamais bénéfique pour l’ensemble de la population civile, mais on ne doit pas éviter l’hypothèse de provocation de conflits comme stratégie d’acteurs pour le contrôle et le pillage des ressources et ou des marchés locaux ;

·         La volonté des protagonistes à faire des propositions raisonnables, claires et opérationnelles pour résoudre pacifiquement le conflit ; 

·         L’engagement de la société civile organisée du pays concerné et de la Communauté internationale à jouer le rôle de médiation et de facilitation ou en d’autres termes de modérateur et  d’arbitre aux assises.

Sans ces conditionnalités universelles et ces prérequis, l’exercice de dialogue politique serait difficile et risquerait d’envenimer davantage la situation du conflit et élargir les positions extrême. Nonobstant, nous reconnaissant qu’il existe un courant idéologique qui croirait que parfois l’option c’est de laisser le conflit d’arriver à son niveau optimal. Mais, pour nous le chaos ne serait pas l’option humaniste et pragmatique pour parvenir à la résolution des conflits.

III.                Operations et responsabilités

 Il y a, dans un contexte de mise en œuvre d’un processus de dialogue politique, des opérations spécifiques et des responsabilités à deux niveaux. Les opérations et responsabilités principales sont, ci-dessous,  indiquées.

a)      Au niveau local
Au niveau local, il faudra :

·         Faire l’identification de tous les acteurs internes (actifs, observateurs ou neutres) dans le conflit et répertoria de leur leader;

·         Communiquer avec les leaders des parties répertoriées, afin de les persuader à l’idée de dialogue inclusif, franc et ordonné sur les causes profondes du conflit dans le conflit ;

·         Entente entre les protagonistes sur un protocole pour la conduite de la médiation et des négociations politiques ;

·         Mettre en place une commission nationale indépendante d’au moins sept (7) membres pour préparer et jouer le rôle de médiateur et de facilitateur au cours des négociations politiques.

·         Préparer et publier la feuille de route et l’agenda pour les assises tant au niveau national qu’au niveau régionale ;

·         Lancer et réaliser les travaux d’assise sur les questions de fond du conflit, incluant des réflexions sur des thématiques transversales de la résolution du conflit, à savoir le DDR, SSR, Réconciliation nationale, Justice transitionnelle etc.;

·         Rédiger et diffuser les rapports des assises nationale et régionales, en passant par un processus de restitution des propositions de sortie de crise ;

·         Faire signer le protocole d’entente entre les parties prenante sur la résolution du conflit et la mise en œuvre des engagements pris par les parties prenantes ;

·         Publication de l’accord dans les colonnes du journal officiel du pays, s’il en existe ;

·         Application de l’accord d’engagement.
 
b)     Au niveau de la partie internationale
Au niveau de la partie international, il faudra :

·         Dégager une vision et un consensus sur le processus de dialogue politique, basée sur des faits et non sur des perceptions du réels social de l’environnement concerné ;

·         Persuader les autorités gouvernementales à la création des conditions pour le dialogue politique ;

·         Fournir un appui à la création d’un climat de confiance entre les protagonistes pour la réalisation des assises. Quand cela est possible, cette partie devait faire le rapprochement des parties extrêmes ;

·         Fournir une assistance logistique et sécuritaire à la tenue des assises au niveau régional et national. Car le plus souvent, la capacité logistique au niveau local est totalement déficiente ; Et les protagonistes ne font pas confiance au Forces de Défense et de Sécurité (FDS) locaux pour qu’ils assurent leur sécurité ;

·         Assister l’entité locale désignée à la médiation et à la facilitation des assises.

·         Jouer le rôle de vigile de l’application des résultats du dialogue politique entre les acteurs.

Dépendamment du contexte politique global, d’autres opérations et attributions pourront être identifiées pour les acteurs de mise en œuvre du processus.

IV.               Organisation

Le mode d’organisation ne devra pas laisser planer aucune ambiguïté sur le processus et son contenu. A moins que l’on ne veuille pas aboutir à des résultats et des propositions concerts et opérationnelles. Il faudra, en fait, créer un cadre pour que les protagonistes puissent faire confiance aux membres de la commission et avoir les garanties qu’ils seront objectifs et neutres dans le processus. Il faudra aussi que les types d’assisses, soient claires et qu’une feuille de route et des agendas soient établis et fassent l’objet de consensus auprès des protagonistes.

a)      Screening des médiateurs et facilitateurs

La Commission Nationale de Médiation et de Facilitation du Dialogue Politique (CNMFDP) pourra être composée de membres d’organisations de la société civile, réputés neutre dans le conflit. Un appel à candidature devra être lancé par le gouvernement du pays concerné par le processus. Il est encouragé que les membres viennent de secteur diversifié tels : Université, Confessions religieuses, secteur des Affaires comme Chambre de Commerce et d’Industrie, des Associations Sociocommunautaires de base (CBOs), des Organisations Non-Gouvernementales (ONG) nationales, des organisations nationales de Défense des Droits de l’Homme, d’une représentation du milieu rural etc.

En référence à la résolution 1325 (2000) du Conseil de Sécurité des Nations Unies (2), il est encouragé que les femmes soient, raisonnablement, représentées au sein de la commission. Conformément à la pratique internationale en vigueur, un quota de 30% au moins, devait être exigé pour être occupé par des femmes.

Le choix des membres de la commission devra être fait sur la base des compétences des candidats en la matière et de leur crédibilité au sein de la société civile du pays concerné. Afin d’éviter des réactions mitigées sur la composition et la crédibilité de la commission, il pourrait être proposé aux leadeurs répertoriés de déterminer une ou un mixage d’entités de la communauté internationale qui pourra jouer le rôle de screening des candidats et de sélection des membres de la commission.

b)     Feuille de route et agenda

La feuille de route la Commission Nationale de Médiation et de Facilitation du Dialogue Politique son agenda des activités pour l’organisation des assises devront être concertés avec tous les leaders des groupes (actifs / neutres ou observateurs dans le conflit) et tous les partis politiques, légalement enregistrés dans le pays concerné, ainsi qu’avec la société civile organisée et la communauté internationale comme observateurs.

c)      Types d’assises à organiser

Dépendamment de la configuration géographique du pays et de l’organisation structurale de la société, deux types d’assises pourront être organisés. Ce sont : (i) assise au niveau national. Cette assise sera dénommée « Conférence Nationale (CN) » ; (ii) assises régionales dont un (1) dans  chacun les principales régions du pays.  Ces assises pourront être dénommées « Pourparlers Régionaux (PR) ».

d)     Principales acteurs du processus de dialogue politique

Le processus de dialogue politique inclurait des acteurs internes et externes. Les principaux acteurs seraient les suivants :

i)                    Au niveau interne

·         Les autorités locales incluant, le gouvernement et les différents institutions de l’Etat dont les compétents  permettrait de contribuer aux paliers des discussions contenu dans la feuille de route de la Commission Nationale de Médiation et de Facilitation du Dialogue Politique;

·         Les parties politiques, légalement enregistrés dans le pays ;

·         Les groupes et les bandes armees ;

·         Les Forces de Sécurités et de Défense (FDS) du pays, s’il en existe ;

·         La société civile organisée, incluant les associations des femmes, les victimes, les organisations non-gouvernementales (ONG) nationales, le secteur des affaires, les universités etc.

ii)                  Au niveau externe

·         L’entité des Nations Unies mandaté pour la mise en œuvre de la résolution du Conseil de Sécurité demandant la réalisation du dialogue politique ;

·         Les organisations régionales, comme par exemple l’Union Européenne (UE) pour la zone européenne, l’Union Africaine (UA) pour la zone d’Afrique, L’organisation d’Etats Américains (OEA) pour la zone des Amériques ainsi que les organisations régionales subsidiaires ;

·         Le Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD) ;

·         Le Fond des Nations Unies pour l’Enfance (UNICEF) ;

·         Le Haut-Commissariat pour les Réfugiés (HCR)

·         Le Programme Alimentaire Mondial (PAM) ;

·         Le corps diplomatique incluant les ambassades et les consulats présents dans le pays ;

·         Les organisations non-gouvernementales (ONG) internationales, travaillant dans le pays en particulier celle qui ont une expertise en matière de résolution de conflit ou de l’organisation de dialogue politique.

e)      Financement des assisses

Etant donné que les assises en termes de dialogue politique sont souvent étoffées de caractère de souveraineté, il serait préférable que les activités d’assises soient financées dans le budget local. Cependant, pour éviter les obstacles en matière de processus administratifs pour débloquer les fonds, la partie internationale pouvait se porter à contribution partielle ou totale.

V.                  En guise de conclusion

La rédaction des rapports des assisses devraient être fait sans délai. Ainsi que la rédaction et la signature du protocole d’entente entre les protagonistes. Notons que les médiateurs et facilitateurs ainsi que les observateurs devront aussi apposer leur signature au protocole d’entente. Car cela pourrait être est une garantie et un moyen de pression pour pousser les acteurs à respecter la parole donnée lors des assises.

Nous tenons à faire remarquer aussi que cette réflexion et proposition ne tient pas lieu au document de prérequis a un dialogue politique dans les pays en conflit ou instable. De ce fait le développement des Termes de Références TdR) complètes et de la stratégie nécessitent l’appui d’expert capable d’adapter la démarche au processus politique du pays en question.

Note de reference

(1)   Voir des résolutions des nations unies sur la mise en œuvre des opérations de maintiens de paix dans des paix en conflit ou instable. Aller sur http://www.un.org  et activer le moteur de recherche avec les termes « Résolutions du conseil de sécurité des nations Unies » République Centre Africaine par exemple.

(2)   Organisation des Nations (ONU),  Résolution 1325 (2000)”, Adoptée par le Conseil de Sécurité des Nations Unies lors de sa 4213eme assemblée, le 31 Octobre 2000, http://www.un.org/ga/search/view_doc.asp?symbol=S/RES/1325%282000%29, Réf: S/RES/1325 (2000).

 
Jean Laforest Visene
Sociologue, M.A. es Sc. Développement
Professeur à l’Université d’Etat d’Haïti (UEH)
E-mail : visenejl@gl.com
Web page : www.visenjl.blogspot.com

 

dimanche 1 juin 2014

Reformer ou Developper le secteur de securite en Haiti : Une obligation de la reforme democratique en profondeur dans le pays

Reformer ou Developper le secteur de securite en Haiti : Une obligation de la reforme democratique en profondeur dans le pays

Jean Laforest Visene, M.A.

A quand la mise en place d’un véritable chantier de Réforme du Secteur de Sécurité (RSS) ou d’un programme de Développement du Secteur de Sécurité (DSS) en Haïti? La question sous-entend qu’une vision stratégique de la reforme ou du développement du secteur soit dégagée par le leadership. Lequel est communiqué, discuté, et qu’un consensus soit trouvé avec l’ensemble des acteurs concernée dans le contrôle et la gouvernance du secteur.  Par la suite, qu’une structuration et un système de management, d’exécution, de contrôle et de suivi soient mise en place pour piloter l’exécution de la reforme ou du développement proposée.

Les verbes reformer et développer ont chacun leur sens opérationnel. En conséquence, cela sous-entend des modes et des types d’opérations et d’appropriation qui ne sont pas tout à fait similaires. Voilà pourquoi, en premier lieu, au travers d’une série de question nous chercherons à dégager un raisonnement compréhensif entre le choix d’une stratégie de réforme ou celle de développement du secteur de sécurité en Haïti. Ensuite, nous aborderons les sous-entendus des reformes du secteur de sécurité. Enfin, aborderons des aspects méthodologiques et procéduraux de la reforme ou le développement du secteur de sécurité dans le pays.

En raison de l’inexistence des Forces armées nationales opérationnelles, permettez-nous d’être floue la question de défense en parlant de la réforme ou du développement du secteur de sécurité en Haïti. Voilà pourquoi nous utiliserons invariablement les sigles FDS (Force de de Défense et de sécurité)  ou FS (Forces de sécurité).

1.       Entre Développement du Secteur de Sécurité (DSS) ou Réforme du Secteur de Sécurité quel est le concept le plus approprié pour le cas d’Haïti ?

Y a-t-il un besoin de réforme du secteur de sécurité en Haïti ?  Pourquoi ne pas parler plutôt du développement du secteur que de sa réforme ? En regardant les nouveaux déploiements et les nouvelles approches, par exemple, au niveau de la Police Nationale d’Haïti (PNH), ne serait-on pas tenté de croire à un développement plutôt qu’a une réforme du secteur de sécurité en Haïti ? Pour en dégager un raisonnement déductif sur cette interrogation posons-nous  certaines questions.

Quel est le mode opération des forces de sécurité dans le pays, Quel est le degré de sentiment de sécurité des membres des communautés en présence des membres du secteur de sécurité ? et quel est le type de collaboration entre les membres des communautés avec les forces de sécurité ? En d’autres termes, y-a-t-il une nécessite de chercher à rapprocher les forces de sécurité des communautés ? En d’autres termes, quelle est la couverture géographique des forces du secteur de sécurité ? Quelle est le degré d’efficacité et de réponse des autres acteurs du secteur de sécurité dans le pays ? Par exemple, qu’est la capacité du système du système judicaires et du système de détention dans le pays. Pourquoi les gens sont-ils plus enclin à se faire justice qu’à se fier aux institutions de la chaine pénale. Y-a-t ‘il un système d’intelligence qui permet d’anticiper sur le crime organisé ?

 Certains pourraient tenter de dire oui, mais la situation actuelle n’est pas comparable à ce qu’on avait vers 2005 – 2007, il y a  eu d’énormes évolutions a date. Cependant, continuons avec nos séries de question pour essayer d’éclaircir un peu. Par exemple, les  nouveaux déploiements et approches en cours dans le secteur de sécurité en Haïti sont-ils, concertés, concordés au niveau institutionnel, ou ne serait-il que des coups d’essai ? Matchent-ils avec le cadre légal de référence à ce secteur, au  mode de fonctionnement, à la pratique, à la superstructure et à l’infrastructure existante ? Est-il toujours possible, à l’heure actuelle, que le politique abuse des maigres ressources de sécurité du pays à d’autres fins que celle de la démocratie ?

Les faits et les ressources informationnelles disponibles laissent comprendre que l’hypothèse d’une réforme, dans le cas où il a été déjà enclenche, la redynamisation de la réforme, est plus plausible que celle de développement du secteur de sécurité en Haïti. Certes, il est probable que la réforme ait été enclenchée sans officiellement dévoiler ses contours de la stratégie. D’ailleurs, ce terme est dans le jargon des communications des opérateurs du secteur.

Par ailleurs nous avons noté que les résolutions subséquentes du Conseil de Sécurité des Nations Unies relative à la mission des Stabilisation des Nations Unies en Haïti (MINUSTAH)  (Réf. Résolution : 1542 (2004), 1608 (2005), 1702 (2006), 1743 (2007), 1780 (2007), 1840 (2008), 1892 (2009), 1908 (2010), 1927 (2010), 1944 (2010), 2012 (2011), 2070 (2012) et 2119 (2013) ont mis en relief les différents faiblesses du Secteur de Défense et de sécurités en Haïti.  Parmi ces faiblesses nous relevons particulièrement :

·         La faiblesse au niveau des Capacités institutionnelles et opérationnelles institutions du secteur de sécurité ;
·         Le manque de formation des  agents de la police et de l’administration pénitentiaire;
·         L’incapacité infrastructurelle, en particulier la déficience de correspondance entre les besoins d’infrastructure et la capacité des locaux pour la police ainsi que pour les centres pénitentiaires ;
·         Le manqué d’effectif, certes le plan de développement de la Police nationale d’Haïti pour 2012-2016 voudrait que soit atteint d’ici à 2016  un effectif minimum de 15 000 agents  pleinement opérationnels et de moyens logistiques;
·         Les problèmes de procédure d’agrément, ainsi que  de recrutement et de formation des forces de police;
·         Le problème de contrôle de contrôle aux frontières terrestres et maritimes;

A ceux-là s’ajoutent des problèmes corolaires qui amplifient l’hypothèse d’une reforme au lieu d’un développement du secteur de sécurité en Haïti. Il s’agit de :

·         Problème majeur de violence en bande, la criminalité organisée, le trafic de stupéfiants et la traite d’êtres humains, en particulier d’enfants;  
·         Manque d’indépendance et d’efficacité des institutions judiciaires; 
·         Problème de la détention provisoire prolongée, les conditions de détention ;  
·         Problème d’absence de suite aux plaintes pour viol et de manqué d’accès à la justice des victimes de viol et d’autres crimes sexuels, ainsi que de l’absence d’une législation nationale dans ce domaine;
·         Problèmes dans la législation en vigueur en matière d’importation et de détention d’armes et le port d’armes

Néanmoins nous reconnaissons qu’il y a un plan quinquennal de développement de la Police nationale d’Haïti pour 2012-2016. Vraisemblablement la PNH voudrait se renouveler et se moderniser. Il y aurait aussi un plan de réforme de la justice, bien que ce plan n’ait pas été vulgarisé et, à notre humble avis, le secteur des droits humains n’a pas été véritablement consulté à ce sujet. Or l’un des problèmes majeur du secteur de sécurité en Haïti est au diapason du secteur de la justice. Qu’il s’agisse de l’impunité, du respect des droits de l’homme dans le système pénitentiaire, les détentions provisoires prolongées, de la surpopulation carcérale et les conditions sanitaires, tout cela rime avec les manquements au niveau du système judiciaire du pays.

Si une réforme du secteur de sécurité en Haïti devait, effectivement, être mise en branle, qu’impliquera-t-elle ? Quelle devrait être sa finalité ?

2.       Finalité d’une réforme du secteur de sécurité en Haïti

Qu’il soit RSS ou DSS, la finalité se résume aux concepts : Gouvernance, Contrôle. Cependant, le cadre conceptuel de cet exercice inclut : l’efficience, l’efficacité et la démocratie. Notons que le contrôle et la gouvernance démocratique désigne l’ensemble des normes et principes qui déterminent les relations entre les forces de sécurité et de défense. C’est la supervision par les autorités de l’état élues démocratiquement des forces de défense et de sécurité. Essayons d’en dégager les contours de cette finalité.

2.1. Définition du concept de réforme du secteur de sécurité (RSS)
Le président  de la république de Guinée le  Prof Alpha Conde, dans sa lettre de politique et de défense, eu à dire que : « La sécurité ne peut plus être vue sous l’angle purement militaire. Au contraire, elle doit englober l’ensemble conceptuel des hommes et des biens, de la sécurité humaine, environnementale et territoriale, ainsi que la sécurité politique, économique et sociale ».

Cette considération laisse entrevoir les liens de subordination du développement humain de la qualité de service des forces de sécurités. La reforme du secteur de sécurité n’a d’autre finalité que d’assurer l’adéquation des ressources de sécurité par rapport au véritable besoin des clients. Elles doivent permettre qu’elles soient gérées de manière adéquate, avec efficacité, efficience, et qu’elles soient redevables par devant des autorités civil démocratiquement investies d’un pouvoir de control.

En conséquence, un programme RSS peut éviter que les forces de sécurité et de défense se considèrent comment un état dans l’état et qu’elles soient aussi abuser par le politique pour asseoir un pouvoir arbitraire, autoritaire en dehors des valeurs démocratiques. Elles sont préparées à adresser les menace intérieurs : criminalité, le grand banditisme,  et extérieur ou à dimension international comme le trafic de drogue, le trafic d’arme, le trafic d’être humain, le terrorisme international, le blanchiment d’argent,  pour un état.

2.2. Les aspects génériques de la réforme du secteur de sécurité
Quatre aspects sont généralement pris en compte dans les reformes du secteur de sécurité.

a)      La gouvernance et le contrôle transparent du secteur. En d’autres termes, la gouvernance et le contrôle démocratique du secteur de sécurité.

b)      L’infrastructure et l’équipement des Forces de Défense et de Sécurité (FDS).

c)       La professionnalisation des forces de sécurité.

d)      Des reformes en parallèle au niveau des autres secteurs telle, la justice, les services d’intelligence et de renseignement, le cadre pénale, le contrôle des frontières et des autres portes d’entrées etc.

Certes, il y a des efforts considérables qui se déploient, mais cela ne suffit pas pour parler d’une réforme globale du secteur de sécurité en Haïti. L’approche doit être holistique. On a l’impression que les efforts ne sont pas développés en synergie avec tous les acteurs concernés par le secteur, en particulier les clients et ceux qui ont un rôle important dans le système de contrôle.

2.3. Causes du déficit observé
Les causes majeures du déficit observe dans le secteur de sécurité en Haïti sont au nombre de quatre. Ce sont :

a)      L’insuffisance d’une culture démocratique et la difficulté de convergence des systèmes politiques successivement antagonique ;

b)      Manque chronique des ressources (ressources humaines, ressources financières, ressources matérielles et infrastructurelles) ;

c)       Absence d’une vision stratégique claire, compris et répondant aux véritables besoins et attente des clients du secteur de sécurité ;

d)       Manque de coordination des efforts, de synergie et de praxis dans l’utilisation des ressources.

Ceux-là nous amené à la question de la gouvernance démocratique et contrôle démocratique ? Qui sont les acteurs et comment devront-il jouer leur rôle ?

3.       Comment adresser la réforme du secteur de défense et de sécurité en Haïti ?

Considérant le secteur de sécurité sous un angle holistique, multidimensionnelle et impliquant plusieurs acteurs et institutions nous estimons que la réforme doit être axe d’abord sur le contrôle et la gouvernance du secteur sans négliger les aspects parallèles.

3.1. Acteurs concernés par la gouvernance et le contrôle démocratique
Les acteurs concernés sont les Forces de Défense et de sécurité (FDS), l’administration étatique (Centrale et locale), le parlement (Senat et chambre des députés), le système judiciaire,  les mass-médias, la société Civile.

a)      Les Forces de Défense et de Sécurité (FDS) 
Très souvent la non-implication de la hiérarchie des forces de défense et de sécurité est les causes des malaises dans la gouvernance et le contrôle de ce secteur. Il en ressort un problème de communication, de rôle et de commandement. Il est impératif que les FDS soient communicationnellement entretenues et incitée à être proactifs / participatif dans les grandes décisions modifiant la structure ou son développement.

Il est un fait qu’il y a en Haïti un besoin de renforcement de la discipline et du professionnalisme des forces de sécurité. La stratégie de renforcement ne devrait pas être une imposition mais plutôt sur la base de compréhension et de besoin interne.

b)      L’administration étatique (Centrale et locale)
Dans un régime politique de démocratie les Forces de défense et de sécurité, en principe, sont subordonnées au commandement du pouvoir civil et politique. Sauf en cas de cahors, d’incapacité des autorités civiles observé et commande par le bon sens qu’il serait acceptable que les FSD agissent de manière autonome pour remplir leur fonction. Qu’il s’agisse au niveau de l’Etat central qu’au niveau des collectivités, il y a des niveaux de responsabilité dans la commande des forces de sécurité. Certainement, le commandement des forces de défense reste la responsabilité de l’Etat central, mais les forces de police devaient être subordonnées aux autorités régionales et locales.

Il convient de souligner qu’il y a un besoin de formation des cadres civils de l’administration, tant au niveau central qu’au niveau régional et local, sur le mode opératoire et de traitement avec les FDS ainsi que sur les moyens de leur contrôle. C’est extrêmement important que les cadrent civils connaissent le processus instrumentaire et la procédure administratives des forces de sécurité et de défense. Le fait de ne pas connaitre le processus et la procédure peut occasionner des offenses dans les deux sens. Par ailleurs, faudrait-il souligner que le pourvoir de gouvernance et de contrôle ne signifie ni asservissement, ni machination. A un certain niveau on peut même parler de coordination.

c)       Le parlement (Senat et chambre des députés)
Le parlement haïtien manifestent par certains par des faits et des gestes son intérêt pour le secteur de sécurité. Cependant, il faudrait beaucoup plus d’action dynamisme et effective. Le concept d’action plus dynamique signifie, implicitement, une plus grande capacité et de vigilance du parlement à orienter la réforme et le développement du secteur de sécurité et aussi à contrôler ce secteur. C’est au parlement de réviser les lois, en fonction des besoins actuels des clients de ce secteur. Sans un cadre légal adapté aux besoins et aussi ‘’opérationnalisable’’, il ne peut pas avoir de gouvernance et contrôle démocratique du secteur. Par ailleurs, il revient au parlement de veiller à ce que les règles et les procédures tracés par le cadre légal soient suivies.

d)      Le système judiciaire
Le système  judiciaire assure, en fait, la souveraineté du contrôle du secteur de sécurité. Qu’il soit intra ou extra des FDS, c’est le secteur judiciaire qui sanctionne de manière coercitive la violation des règles du secteur et s’assure que les agents exécutifs du secteur n’en abusent pas de leur pouvoir.

e)      Les mass-médias
Les Mass-médias sont le pivot de la gestion transparente du secteur de sécurité. Car la sécurité, tout comme l’insécurité est avant tout de l’ordre de l’affectivité. Le sentiment de sécurité ou d’insécurité, la confiance ou la méfiance dans les ressources de sécurité, sont, entre autres, des vecteurs importants du climat observé. Le media n’est pas neutre dans la création de ce climat. L’une des causes est le manque d’accès à l’information réelle. N’ayant pas accès  à l’information de première main, le media n’a souvent recours qu’à l’information de nième main qui est souvent de l’ordre de la rumeur. A ce niveau le media participe à la construction et ou à l’entretien de l’insécurité.

Certes, à part l’accès à l’information réelle, il n’existe pas de journalistes spécialisés du domaine de la sécurité dans les medias en Haïti. On ne parle pas de reporteur des faits et des réalités de violence, mais des journalistes qui auraient une capacité d’analyse et de recul par rapport aux informations, aux  faits et aux réalités de sécurité. Car le journaliste professionnelle n’est pas simplement un élément du canal de transmission communautaire de l’information, il est aussi un analyste et un expert qui peut avoir l’aura de transmettre l’information certes mais de la rendre objectivable pour le récepteur.

Dans cette perspective de gouvernance et de contrôle démocratique des ressources de sécurité, il est de la responsabilité des medias d’outillés l’opinion publique de manière objectif. Ce qui faciliterait a la société civile dans ses rapports d’influence de la prise de décision par rapport au secteur de sécurité.

f)       La société Civile
La société civile doit faire l’effort de dessiner et d’aménager un espace public avec l'État, pour que les besoins, même des ménages ordinaires soient, compris et  pris en compte dans des décisions de referme du secteur puissent discuter et aborder l'action.

3.2. Les différents piliers  à prendre en compte dans ce processus de reforme

L’approche pour parvenir à une vraie réforme doit être holistique. Cette approche doit prendre en compte les aspects suivant :
 
·         Le contrôle des armes,
·         La réforme de la justice ;
·         La réforme du système de détention et de correction
·         Création d’un service d’intelligence efficace ;
·         Le système de renouvellement du pouvoir politique en particulier les élections ;


Afin d’y parvenir il faudrait :

·         L’organisation de séminaire de diagnostic des besoins, réunissant tous les  acteurs et secteurs afin de connaitre l’ensemble des préoccupations des clients du secteur de sécurité ;
·         La création d’une structure de pilotage de la réforme proposée ;
·         La mise en place d’un comité technique de suivi ;
·         La mise en place de comité technique sectoriel constituant des entités de la sécurité, de la défense, de la justice, l’environnement,

4.       En guise de conclusion

Il est un fait qu’il n’y aura pas de de développement  en Haïti sans sécurité, de même qu’il n’y aura pas de développement sans paix. D’où la nécessité des réformes en profondeur, synonymes de refondation de l’état basée sur des principes véritablement transversaux-démocratiques, c’est-à-dire qui mettent à coté les pratiques populismes et pseudo-démocratiques pour donner le  pas à la rationalité démocratique.

La réforme du secteur de sécurité  fait partie de l’ABC de l’établissement d’un état de droit démocratique. La reforme permettra que les FS (Forces de Sécurité) composées de police et de service d’intelligence ou FDS (Forces de Défense et de Sécurité) incluant, à part les précités,  une force armée, soient efficaces, efficientes, abordables, respectant les  normes internationales et les droits de l’homme. Elle permettra aussi de créer les conditions pour qu’elles soient effectivement et rationnellement redevables aux autorités haïtiennes et aux habitants du pays : « Fini lame ak lapolis kraze zo ». En plus que la réforme doit faire l’objet d’une appropriation, elle doit tenir compte des dimensions:  politique, holistique et technique.

 Nous avons fait remarquer également que la réforme du secteur de sécurité en Haïti ne se résume pas uniquement à la refonte des FDS. La réforme devra être holistique comprenant aussi bien le secteur judiciaire que le secteur pénitentiaire. Le contrôle et la gouvernance démocratique est déjà reconnu par le droit haïtien (Voir la constitution en vigueur et les lois sur les forces de sécurités en Haïti). Elle y va de pair avec la réforme et le renforcement de la capacité de l’administration, la réforme de la justice et la réforme du système pénitentiaire.  Nous avons fait remarquer également qu’il faudrait qu’au niveau macro qu’une nouvelle vision de la sécurité soit dégagée qui prendrait en compte les nouveaux besoins locaux dans ce domaine.

Rappellerons quelques éléments de l’essence pour que cette réforme puisse être possible : La qualité de la vision et la dimension et le degré d’engagement du leadership ; L’adhésion des forces de Sécurité  et de Défense à la reforme; L’appropriation, à la base, par les autres structure en particulier la communauté ; La vision des relations que la population se fait de ses relations avec ces forces de sécurités de défense ; La volonté d’accompagnement des partenaires financier

Terminons par cette assertion pour dire que la réforme du secteur de sécurité est le fer de lance d'une véritable réforme du secteur démocratique. Dans un environnement où les forces de sécurité ne sont pas gouvernées et  contrôlées sur des bases démocratiques, on peut s’attendre à des pratiques occultant les vrais valeurs de la rationalité démocratique.

Jean Laforest Visene
Sociologue, M.A. es Sc. Développement
Professeur à l’Université d’Etat d’Haïti (UEH)
E-mail : visenejl@gl.com
Web page : www.visenjl.blogspot.com