vendredi 13 juin 2014

RESOLUTION DE CONFLIT ET DIALOGUE POLITIQUE DANS LES PAYS EN CONFLIT OU POLITIQUEMENT INSTABLES


résolution dE conflit et Dialogue Politique dans leS Pays en Conflit ou politiquement instables

Jean Laforest Visene, M.A.

Dans la quasi-totalité toutes les résolutions du Conseil de sécurités des Nations Unies sur l’installation et le développement des missions de maintien de paix dans les pays instables insistent sur le fait que les missions doivent fournir un appui, sous divers aspects, au gouvernement locaux afin de parvenir à la pacification de leur pays (1). Spécifiquement, lesdites résolutions engagent les missions à : (i) Supporter les efforts des autorités locales à adresser les causes profondes du conflit ; (ii) Assister les autorités dans la médiation et la réconciliation tant au niveau national qu’au niveau local.

Dans ce contexte de mandat conféré par les résolutions que nous rédigeons ce papier de réflexion sur la manière dont les conseillers politiques des missions peuvent orienter la conduite du dialogue dans les pays en conflit ou instable, tant au nationale qu’au niveau  régional. Cette réflexion et proposition se base sur l’hypothèse que : L’origine et la persistance du conflit dans beaucoup de pays trouve sa source dans l’absence d’espace de dialogue, de négociations politiques au niveau global de ces pays. Quand ils en existeraient, les processus de dialogue seraient biaisés de transparence, d’inclusion et de crédibilité.

 Quelle devraient être les objectifs des processus de dialogue politique dans les pays en conflit ou instables ? Comment orienter stratégiquement ces dialogue, à savoir les principes directeurs, les prérequis et autres ? Quelles sont les différentes opérations à conduire et aussi les responsabilités tant au niveau locales qu’au niveau internationales ? Comment organiser le processus en commençant par la recherche de la crédibilité des médiateurs, les facilitateurs et les observateurs ;  les types d’assises à organiser ; les parties à être associée etc. ? Voilà autant de question qu’aborde ce papier de réflexion et de proposition.

I.                    Objectif

Le dialogue politique au sein des pays en conflit ou instable devait avoir comme principal objectif le remplacement de la dialectique des armes par des fora de discussion entre les protagonistes leur permettant de faire des offres raisonnables de sortie de crise et prenant en compte les revendications justes des parties. Ce processus devait permettre d’organiser un dialogue national régional avec tous les acteurs internes. Ces fora doivent être décisionnels, aboutissant à un accord politique global.

En termes d’objectifs spécifiques le dialogue politique devra :
·         Créer les conditions minimales de confiance propices au dialogue national et des pourparlers régionaux ;

·         Parvenir à un accord politique global sur des questions de fonds du conflit et des opérations prévues par le résoudre.

·         Initier les bases solides pour la pérennité de la stabilité interne du pays et la prévention des potentiels conflits futurs.

Quelles sont les conditions pour l’atteinte de ces différents objectifs et  quelle méthodologie ?

II.                  Orientation stratégique

La stratégie de l’organisation du dialogue politique doit être articulée autour des principes directeurs adaptés au contexte politique du pays. Cependant, universellement, les principes, ci-dessous doivent être figurés parmi les conditionnalités du dialogue. Ce sont :

·         Le dialogue national et les pourparlers régionaux devront être fait sur des questions politiques globales et sur des questions de fonds de la pacification du  pays tels que : la mise en œuvre du programme DDR, la Réforme du secteur de sécurité (RSS) du pays, la Réconciliation nationale, Justice transitionnelle etc.

·         Le dialogue national et les pourparlers régionaux devraient être organisés de manière  être inclusive, franche, loyal et ordonné.

·         Les parties doivent donner leur adhésion au principe de dialogue national et de pourparlers régionaux objectifs comme canaux pour la résolution du conflit. Cette adhésion peut être manifestée par la signature d’un code de conduite à adopter au cours des négociations et à la fin du processus, incluant l’engagement du respect des résultats des assises.

·         L’adhésion des protagonistes aux assises devrait être volontaire ainsi que l’engagement des autres acteurs à jouer un rôle de médiation et de facilitation. De ce fait, aucune rétribution en espèce ou en nature ne devra pas requise par les parties pour prendre part aux assises.

Comme prérequis au dialogue, il devrait y avoir :

·         L’arrêt temporaire des hostilités entre les protagonistes, tout au moins, durant la période des négociations ;
 
·         L’Intérêt des protagonistes à résoudre pacifiquement le conflit. Il est vrai, d’un point de bue global, un conflit n’est jamais bénéfique pour l’ensemble de la population civile, mais on ne doit pas éviter l’hypothèse de provocation de conflits comme stratégie d’acteurs pour le contrôle et le pillage des ressources et ou des marchés locaux ;

·         La volonté des protagonistes à faire des propositions raisonnables, claires et opérationnelles pour résoudre pacifiquement le conflit ; 

·         L’engagement de la société civile organisée du pays concerné et de la Communauté internationale à jouer le rôle de médiation et de facilitation ou en d’autres termes de modérateur et  d’arbitre aux assises.

Sans ces conditionnalités universelles et ces prérequis, l’exercice de dialogue politique serait difficile et risquerait d’envenimer davantage la situation du conflit et élargir les positions extrême. Nonobstant, nous reconnaissant qu’il existe un courant idéologique qui croirait que parfois l’option c’est de laisser le conflit d’arriver à son niveau optimal. Mais, pour nous le chaos ne serait pas l’option humaniste et pragmatique pour parvenir à la résolution des conflits.

III.                Operations et responsabilités

 Il y a, dans un contexte de mise en œuvre d’un processus de dialogue politique, des opérations spécifiques et des responsabilités à deux niveaux. Les opérations et responsabilités principales sont, ci-dessous,  indiquées.

a)      Au niveau local
Au niveau local, il faudra :

·         Faire l’identification de tous les acteurs internes (actifs, observateurs ou neutres) dans le conflit et répertoria de leur leader;

·         Communiquer avec les leaders des parties répertoriées, afin de les persuader à l’idée de dialogue inclusif, franc et ordonné sur les causes profondes du conflit dans le conflit ;

·         Entente entre les protagonistes sur un protocole pour la conduite de la médiation et des négociations politiques ;

·         Mettre en place une commission nationale indépendante d’au moins sept (7) membres pour préparer et jouer le rôle de médiateur et de facilitateur au cours des négociations politiques.

·         Préparer et publier la feuille de route et l’agenda pour les assises tant au niveau national qu’au niveau régionale ;

·         Lancer et réaliser les travaux d’assise sur les questions de fond du conflit, incluant des réflexions sur des thématiques transversales de la résolution du conflit, à savoir le DDR, SSR, Réconciliation nationale, Justice transitionnelle etc.;

·         Rédiger et diffuser les rapports des assises nationale et régionales, en passant par un processus de restitution des propositions de sortie de crise ;

·         Faire signer le protocole d’entente entre les parties prenante sur la résolution du conflit et la mise en œuvre des engagements pris par les parties prenantes ;

·         Publication de l’accord dans les colonnes du journal officiel du pays, s’il en existe ;

·         Application de l’accord d’engagement.
 
b)     Au niveau de la partie internationale
Au niveau de la partie international, il faudra :

·         Dégager une vision et un consensus sur le processus de dialogue politique, basée sur des faits et non sur des perceptions du réels social de l’environnement concerné ;

·         Persuader les autorités gouvernementales à la création des conditions pour le dialogue politique ;

·         Fournir un appui à la création d’un climat de confiance entre les protagonistes pour la réalisation des assises. Quand cela est possible, cette partie devait faire le rapprochement des parties extrêmes ;

·         Fournir une assistance logistique et sécuritaire à la tenue des assises au niveau régional et national. Car le plus souvent, la capacité logistique au niveau local est totalement déficiente ; Et les protagonistes ne font pas confiance au Forces de Défense et de Sécurité (FDS) locaux pour qu’ils assurent leur sécurité ;

·         Assister l’entité locale désignée à la médiation et à la facilitation des assises.

·         Jouer le rôle de vigile de l’application des résultats du dialogue politique entre les acteurs.

Dépendamment du contexte politique global, d’autres opérations et attributions pourront être identifiées pour les acteurs de mise en œuvre du processus.

IV.               Organisation

Le mode d’organisation ne devra pas laisser planer aucune ambiguïté sur le processus et son contenu. A moins que l’on ne veuille pas aboutir à des résultats et des propositions concerts et opérationnelles. Il faudra, en fait, créer un cadre pour que les protagonistes puissent faire confiance aux membres de la commission et avoir les garanties qu’ils seront objectifs et neutres dans le processus. Il faudra aussi que les types d’assisses, soient claires et qu’une feuille de route et des agendas soient établis et fassent l’objet de consensus auprès des protagonistes.

a)      Screening des médiateurs et facilitateurs

La Commission Nationale de Médiation et de Facilitation du Dialogue Politique (CNMFDP) pourra être composée de membres d’organisations de la société civile, réputés neutre dans le conflit. Un appel à candidature devra être lancé par le gouvernement du pays concerné par le processus. Il est encouragé que les membres viennent de secteur diversifié tels : Université, Confessions religieuses, secteur des Affaires comme Chambre de Commerce et d’Industrie, des Associations Sociocommunautaires de base (CBOs), des Organisations Non-Gouvernementales (ONG) nationales, des organisations nationales de Défense des Droits de l’Homme, d’une représentation du milieu rural etc.

En référence à la résolution 1325 (2000) du Conseil de Sécurité des Nations Unies (2), il est encouragé que les femmes soient, raisonnablement, représentées au sein de la commission. Conformément à la pratique internationale en vigueur, un quota de 30% au moins, devait être exigé pour être occupé par des femmes.

Le choix des membres de la commission devra être fait sur la base des compétences des candidats en la matière et de leur crédibilité au sein de la société civile du pays concerné. Afin d’éviter des réactions mitigées sur la composition et la crédibilité de la commission, il pourrait être proposé aux leadeurs répertoriés de déterminer une ou un mixage d’entités de la communauté internationale qui pourra jouer le rôle de screening des candidats et de sélection des membres de la commission.

b)     Feuille de route et agenda

La feuille de route la Commission Nationale de Médiation et de Facilitation du Dialogue Politique son agenda des activités pour l’organisation des assises devront être concertés avec tous les leaders des groupes (actifs / neutres ou observateurs dans le conflit) et tous les partis politiques, légalement enregistrés dans le pays concerné, ainsi qu’avec la société civile organisée et la communauté internationale comme observateurs.

c)      Types d’assises à organiser

Dépendamment de la configuration géographique du pays et de l’organisation structurale de la société, deux types d’assises pourront être organisés. Ce sont : (i) assise au niveau national. Cette assise sera dénommée « Conférence Nationale (CN) » ; (ii) assises régionales dont un (1) dans  chacun les principales régions du pays.  Ces assises pourront être dénommées « Pourparlers Régionaux (PR) ».

d)     Principales acteurs du processus de dialogue politique

Le processus de dialogue politique inclurait des acteurs internes et externes. Les principaux acteurs seraient les suivants :

i)                    Au niveau interne

·         Les autorités locales incluant, le gouvernement et les différents institutions de l’Etat dont les compétents  permettrait de contribuer aux paliers des discussions contenu dans la feuille de route de la Commission Nationale de Médiation et de Facilitation du Dialogue Politique;

·         Les parties politiques, légalement enregistrés dans le pays ;

·         Les groupes et les bandes armees ;

·         Les Forces de Sécurités et de Défense (FDS) du pays, s’il en existe ;

·         La société civile organisée, incluant les associations des femmes, les victimes, les organisations non-gouvernementales (ONG) nationales, le secteur des affaires, les universités etc.

ii)                  Au niveau externe

·         L’entité des Nations Unies mandaté pour la mise en œuvre de la résolution du Conseil de Sécurité demandant la réalisation du dialogue politique ;

·         Les organisations régionales, comme par exemple l’Union Européenne (UE) pour la zone européenne, l’Union Africaine (UA) pour la zone d’Afrique, L’organisation d’Etats Américains (OEA) pour la zone des Amériques ainsi que les organisations régionales subsidiaires ;

·         Le Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD) ;

·         Le Fond des Nations Unies pour l’Enfance (UNICEF) ;

·         Le Haut-Commissariat pour les Réfugiés (HCR)

·         Le Programme Alimentaire Mondial (PAM) ;

·         Le corps diplomatique incluant les ambassades et les consulats présents dans le pays ;

·         Les organisations non-gouvernementales (ONG) internationales, travaillant dans le pays en particulier celle qui ont une expertise en matière de résolution de conflit ou de l’organisation de dialogue politique.

e)      Financement des assisses

Etant donné que les assises en termes de dialogue politique sont souvent étoffées de caractère de souveraineté, il serait préférable que les activités d’assises soient financées dans le budget local. Cependant, pour éviter les obstacles en matière de processus administratifs pour débloquer les fonds, la partie internationale pouvait se porter à contribution partielle ou totale.

V.                  En guise de conclusion

La rédaction des rapports des assisses devraient être fait sans délai. Ainsi que la rédaction et la signature du protocole d’entente entre les protagonistes. Notons que les médiateurs et facilitateurs ainsi que les observateurs devront aussi apposer leur signature au protocole d’entente. Car cela pourrait être est une garantie et un moyen de pression pour pousser les acteurs à respecter la parole donnée lors des assises.

Nous tenons à faire remarquer aussi que cette réflexion et proposition ne tient pas lieu au document de prérequis a un dialogue politique dans les pays en conflit ou instable. De ce fait le développement des Termes de Références TdR) complètes et de la stratégie nécessitent l’appui d’expert capable d’adapter la démarche au processus politique du pays en question.

Note de reference

(1)   Voir des résolutions des nations unies sur la mise en œuvre des opérations de maintiens de paix dans des paix en conflit ou instable. Aller sur http://www.un.org  et activer le moteur de recherche avec les termes « Résolutions du conseil de sécurité des nations Unies » République Centre Africaine par exemple.

(2)   Organisation des Nations (ONU),  Résolution 1325 (2000)”, Adoptée par le Conseil de Sécurité des Nations Unies lors de sa 4213eme assemblée, le 31 Octobre 2000, http://www.un.org/ga/search/view_doc.asp?symbol=S/RES/1325%282000%29, Réf: S/RES/1325 (2000).

 
Jean Laforest Visene
Sociologue, M.A. es Sc. Développement
Professeur à l’Université d’Etat d’Haïti (UEH)
E-mail : visenejl@gl.com
Web page : www.visenjl.blogspot.com