lundi 22 décembre 2014

Utilité de la Sociologie

Utilité de la Sociologie

Par Jean Laforest Visené MA.-

« Si le sociologue peut contribuer à éclairer le prince à l’aider à mieux formuler les problèmes qui le concernent, il n’a pas à prendre des décisions à sa place ». Cette citation cadre bien l’utilité de la sociologie en tant que science positive revêtue aussi de caractéristique des sciences nomothétiques. Comme le dit le sociologue Henri Lévy-Bruhl, disant : « Il importe de maintenir une distinction nécessaire entre la science et ses applications» on estime que les efforts intellectuels dépensés dans toutes les branches du savoir de la sociologie ne devait pas être jugé sur la base de leur exploitation servile par les décideurs politique.

Il est vrai que si la science ne devait pas aboutir à une amélioration de la condition humaine, il ne vaudrait même pas une heure de peine. Mais ce n’est pas une raison de lapider les des sciences à perspectives pacifiques vis-à-vis des réalités qu’elles étudient, estimant qu’éthiquement ce n’est de leur finalité de prescrire des recettes de modification de leurs objets d’étude. C'est dans cette incompréhension que de la logique d’intervention que Robert Castel se demandait : « à quoi ça sert la sociologie ? ».
 
Toutefois, il a reconnu que l'idée de répondre à une demande sociale peut conduire le sociologue à transiger avec l'exigence d'objectivité en se laissant guider dans ses recherches par les demandeurs. Soulignons que la sociologie est à la fois une discipline intellectuelle dans son caractère de recherche fondamentale et une discipline utilitaire dans son caractère  de recherche appliquée.

Dans sa perspective de recherche fondamentale les sociologues cherchent uniquement à enrichir les outils et instrument pour parvenir à l’explication sociologique ce qui a pour finalité la recherche de l’harmonisation des démarches d’explication de la discipline et aussi confère un statu de reproductibilité de l’expérimentation. Elle l'est aussi par le fait qu'il y a une manière de collecter les données, de raisonner, d'argumenter, d'analyser et d'interpréter les informations pour que les résultats soient acceptés comme tels. Elle est, par contre, une profession / métier du fait que le spécialiste de la sociologie peut vendre ses compétences à des tiers.

Dans le premier cas, il s'agit de recherche fondamentale, alors que dans le second cas c'est de la recherche commanditée. Il faut donc distinguer les papiers de l'intellectuel sociologue de celui de l'expert sociologue. Tandis que le premier produit un jugement d'observateur, le second produit un jugement de prescripteur basé sur des valeurs référentielles et marchandes. Il faut préciser que l'expert sociologue, en dépit du fait qu'il est subordonné par ses commanditaires / patrons, n'est pas contraint pour autant de produire de jugements de valeurs. Cependant, il n'est pas, non plus, obligé d'avoir une distance axiologique dans son travail.

Jenny Alain a attiré l'attention sur les liaisons dangereuses entre la Science et la Politique. Cette liaison est dangereuse par le fait qu'elles relèvent de genres différents car la recherche de la vérité s'oppose aux fins poursuivies par le politique et les méthodes sont divergentes. Antoine Tine , pour sa part, dans une étude portant sur le multipartisme au Sénégal a montré comment le discours scientifique peut être bafoué par le fait que des chercheurs n'ont pas pu contenir leur préjugé idéologique. Leur évaluation reste superficielle, peu objective, manquant de distance axiologique.

En faisant de la sociologie un terrain de bataille politique, d'activisme social, le risque est évident que le discours livré pourrait être simplement des positions idéologiques, des convictions. Quand il est engagé comme expert  professionnel, la liberté intellectuelle du sociologue est hypothéquée et il doit produire un discours qui aille dans le sens du bénéfice de ses commanditaires. Il exerce, certes, un magistère fondé sur le savoir, mais il produit des faits normatifs, des qualifications et des déqualifications qui ont un statut de droit. Le discours de la vraie sociologie est celui du savant sociologue qui fait de la recherche fondamentale donc, uniquement pour l'avancement de la discipline.

Il est, certes, compréhensible que le principe de neutralité axiologique donne l'opportunité de qualifier la sociologie de science réfractaire, insouciante et même d’un produit doctrinal au service des classes dominantes, de l'idéologie impérialistes et des forces répressives qui entretiennent les conditions d'exploitation des masses.

Cependant, il faut qu'on dise que la recherche sociologique met aussi en évidence l'injustice dans la société. Cependant, en tant que science positive, elle ne la condamne pas, ne prend pas, non plus, de position au côté des victimes et n'ose pas, péremptoirement, proposer de recettes pour attaquer les maux sociaux. Ces perceptions de la sociologie, comme une science complice, sont des clichés idéologiques et la science doit les dépasser. Force est de faire valoir cette position méthodologique d'Auguste Comte qui précise qu'il revient au sociologue de découvrir par une observation neutre sans admirer ni maudire son objet d'étude.

Cette position de neutralité axiologique n'est pas pour autant complice de quoique ce soit. D'ailleurs comme l'explique Bourdieu, on ne peut pas tenir pour nul le message de la sociologie qui, en réalité, met à découvert le cycle des maux sociaux : problème, cause, effet, mutation / évolution. L'auteur précise qu'on ne peut pas ignorer « l'efficacité du message sociologique ». Il permet, d'après lui, à ceux qui souffrent de découvrir la possibilité d'imputer leur souffrance à des causes sociales. Par ailleurs, il faut noter qu'il revient aux décideurs politiques, aux activistes sociaux, à partir de l'évidence des faits présentés par la recherche sociologique de prendre les dispositions pour corriger les écarts constatés. Comme le pensait Lenine et Gramsci : « Rien n'est plus révolutionnaire que la vérité ». Dans ce cadre-là, le savant sociologue obéit lui aussi au principe de responsabilité sociale du chercheur.

Le rôle du sociologue est de faire le tri dans les mots, distinguant les attributs qui demandent à être écartés en raison d'une équivocité interne et ceux qui méritent d'être utilisés, moyennant parfois quelques précautions. Or toute sélection de traits pertinents enferme des présupposés théoriques : elle pose une distinction entre ce qui compte vraiment et ce qui ne compte pas, entre ce qui existe vraiment et ce qui n'existe pas, ou seulement de façon apparente.

 Jean Laforest Visene
Sociologue, MA Sc. Dev.
 Professeur à l'Université d'Etat d'Haïti
 Sociologue, M.A. Sciences du Développement
Email: visenejl@gmail.com
http://www.visenejl.blogspot.com