lundi 11 août 2014

Choisir des bénéficiaires des programmes D‘apaisement social visant la resolution ds problemes de Violence : Proposition d’un modèle de selection

Choisir des bénéficiaires des programmes D‘apaisement social visant la resolution ds problemes de Violence : Proposition d’un modèle de selection

Par Jean Laforest Visene. -

L’outil d’identification et le processus méthodologique que nous proposons ici visent à diminuer la marge de risques que les projets d’un programme d’apaisement social visant la prévention et/ou de Réduction de la Violence Communautaire et/ou urbaine n’atteignent pas leur vraie cible. Car, comme l’avise le proverbe haïtien « Sót ki bay enbesil ki pa pran » (En créole haïtien) [Traduction française : Les sots donnent, sauf les imbéciles qui ne prennent pas]. On comprend aisément que l’absence des lignes de base et critères clairs et objectifs de choix des bénéficiaires laissent la porte ouverte à une interprétation du programme comme étant une illusion de perspective et en final n’aura qu’un effet/impact nul et même pourra créer un cercle vicieux pour la résolution du problème.

Les éléments de la méthodologie d’identification et de sélection des bénéficiaires qui sont ici proposés  les critères, concernent les projets adressés aux jeunes à risques et autres groupes vulnérables comme les femmes et les enfants dont leur condition nécessitent une prise en charge pour résoudre la violence urbaine. Dans plusieurs pays nous avons constaté que le paquet du programme offert comprend des projets, a Haute Intensité de Main-d’œuvre (HIMO), des projets d’infrastructures sociocommunautaires, des projets de formation professionnelle, des activités génératrices de revenu et/incubation en entreprise et des placements en emploi. Considérant que les deux premiers types de projets mentionnés sont beaucoup plus à effet globalisant plus qu’individualisant, cherchant à restaurer le tissu social et de développer une culture de cohabitation pacifique entre les membres d’un même milieu, nous  centrons notre analyse sur les trois derniers type de projet.

I.                    Nécessité de linkage théorique des critères d’identification des bénéficiaires

Les critères d’identification doivent être strictement liés à la démarche théorique du programme ainsi qu’aux finalités de tel programme. Voilà pourquoi nous privilégiions deux éléments fondamentaux :

·         L’association et la manipulation dans le cycle de la violence ;
·         Le degré de vulnérabilité qui prédispose au réservoir des groupes et des bandes.

Nous suggérons que la théorie de changement de tels programmes établisse des liens directs entre le cycle spiral des réseaux, la satisfaction des besoins de base et la dynamique ainsi que les potentialités de migration de la violence communautaire. Voilà pourquoi les programmes devraient s’accommoder à des éléments objectifs d’identification des bénéficiaires dans ses zones cibles. Car, en principe de tel programme cherche à briser, non seulement la vase mais aussi, les drains de conduis à la vase, le programme adressent tant les éléments qui sont impliqués dans les groupes et les bandes en raison de leur vulnérabilité économique et sociale mais aussi, des groupes spécifiques (Femmes, enfants et jeunes à risques) qui peuvent constituer un réservoir de recrutement et/ou de soutien aux bandes et groupes armés.

Le processus d’identification des bénéficiaires que nous proposons prend en compte l’histoire sociale de l’individu, c’est-à-dire des relations sociales avec les groupes et/ou bandes armés,  des questions monétaires (revenu et dépenses); et de multiples autres aspects comme la sécurité alimentaire, les conditions de vie, l’accès aux services de base, le statut socio-économique, la possession de biens et de moyens de production.

Divisés en critères universelles, critères spécifiques et critères liés à l’histoire sociale, la proposition est agencée de manière à éviter la stigmatisation des bénéficiaires de tel programme.

II.                  Critères d’identification des bénéficiaires

a)      Critères universelles d’éligibilité

Universellement, c’est-à-dire dans toutes les zones cibles d’un  programme apaisement social visant la prévention et la réduction de la violence communautaire, les bénéficiaires devaient répondre aux critères suivants :

·         Une tranche d’âge en se référant à la statistique non seulement de la vulnérabilité mais aussi de l’implication des membres de la communauté dans la dynamique de violence ;

·         Le niveau de scolarité, prenant en compte la question de l’inégalité des chances des membres de la population devant l’enseignement. Ce serait préférable  que les bénéficiaires soient sélectionné parmi ceux qui n’ont pas bouclé ses études classique et/ou ceux qui soient déscolarisé ou non-scolarisé ;

·         Pour que cela ait un impact géographiquement mesurable, il faudra délimiter claire l’aire de couverture du programme. Par exemple on doit délimiter claire l’aire de résidence des bénéficiaires tout en tenant compte des durées de résidence. Ce dernier permettra de limiter que ce type de programme au un effet de mouvement de population vers des zones bénéficiaires de tels programme;

·         Il faudra que la personne soit sans emploi et/ou activités génératrice de revenu. La pérennité est à considère en évaluant ce critère.  Car ce n’est pas parce que la personne est occupée qui fait qu’il ne soit pas vulnérable.

·         Il faudra aussi éviter de faire de ces programmes des clientes de certains opportunistes qui ne cherchent que des occasions de manière malicieuse. Voilà pourquoi il serait conseillé de mettre des garde-fous. Par exemple ceux qui ont bénéficié d’activités génératrices de revenu de programme assimilés ou de programmes de DDR (Désarmement, Démobilisation et Réinsertion), ou en attente d’un de tel programme ou encore en attente d’être intégré dans les Forces de Défense et de Sécurité  d’en faire partie.

·         Eviter que le programme ne soit pas en collusion avec des procédures judiciaires. Par exemple il faudrait que les bénéficiaires ne fassent pas l’objet de poursuite judiciaire au moment du programme ;

·         Il est constaté dans certains programmes des cas d’abandons pour des motivations d’indisponibilité. Il serait important de s’assurer que les bénéficiaires signe un document d’engagement de disponibilité durant toute la durée du projet concerné ;

·         Enfin les bénéficiaires devraient s’engager à s’impliquer dans des activités de promotion de la paix et de multiplication des effets de ces projets dans sa communauté. Se postant ainsi comme des Peer-helper pour les futurs bénéficiaires.

b)      Critères spécifiques de choix

Les critères spécifiques permettront de choisir les bénéficiaires sur la base du degré de vulnérabilité des candidats aux projets offerts par le programme.  Ils se basent sur la mesure spécifique des dimensions du conditionnement de la pauvreté de l’individu[1] qui le rend plus vulnérable et/ou manipulable dans le cycle de la violence communautaire et /ou urbaine.

Ces critères se basent principalement sur des dimensions de la pauvreté du candidat comme : Possession de biens et moyens de production ; Composition du, ménage; Revenu ; Conditions d’habitation ; Statut scolaire et professionnel ; Sécurité alimentaire ; Accès aux services de base et au crédit ; Dépenses ; Apparence physique et habillement.

Le tableau, ci-dessous, présente les critères de mesure et comment ils  pourront être évalués et/ou exploités dans le processus de sélection.

#
Dimension
Critère de mesure
%
1.        
Possession de biens et moyens de production
·         Activités économiques ;
·         Possession de biens matériels;
·         Possession de biens de luxe ;
·         Possession de  radios ;
·         Possession de la terre et/ou autre moyen de production;
·         Possession d’intrants de production comme volaille (poules et..) vaches etc.;
·         Possession d’un téléphone portable et/ou fixe ;
·         Equipement de travail de la terre ;
·         Possession de de transport et/ou mode de transport utilisé;
 
 
2.        
Accommodation de ménage
·         Célibataire dépendance parentale ;
·         Célibataire en solitude ;
·         Famille monoparentale
·         Veuf ou veuve avec revenu ;
·         Veuf ou veuve sans revenu
·         Orphelin sans soutien;
·         En relation conjugale, sans enfant ;
·         En relation conjugale avec enfant ;
·         En relation conjugale avec plusieurs enfants ;
 
 
3.        
Revenu / satisfaction des besoins d base
·         Vivre avec son revenu mensuel ;
·         Vivre avec l’aide de parents ou connaissance
·         Vivre de la mendicité.
 
 
4.        
Conditions d’habitation
·         Maison en Brèches / paille ou en mur de béton ;
·         Superficie de l’habitat ;
·         Statut : Propriétaire, location ou donation ;
·         Ne pas avoir de foyer ;
·         Nombre de pièces comparé au nombre de personnes dans le ménage.
 
 
5.        
Scolarisation / Statut Professionnel
·         Niveau de scolarité atteint;
·         Profession;
·         Emploi.
 
 
6.        
Sécurité alimentaire
·         Mode de restauration : Restaurant, cuisson à domicile, ou fourni par des tiers ;
·         Nombre de repas par jour ;
·         Personne présentant des signes de malnutrition ;
·         Famille avec une femme enceinte ou plusieurs enfants sévèrement malnutris.
 
 
7.        
Accès aux services de base et au crédit
·         Ménage ayant un compte d’épargne ;
·         Parent bénéficiant actuellement d’un prêt d’une institution ;
·         Avoir personnellement bénéficié d’un crédit bancaire dans le passé.
 
 
8.        
Dépenses
·         Capacité ou incapacité d’acheter les aliments de base.
·         Capacité de faire des dépenses de luxe.
 
 
9.        
Apparence physique et habillement
·         Style d’habillement et de coiffure ;
·         Possession de décoratif d’habillement comme lunette de marque, bijoux précieux ou autre.
 
 

c)       Critères liés à l’histoire sociale de l’individu

La démarche empruntée ici n’est ni historiographique, ni policière. Elle permet simplement d’établir une relation déductive entre le vécu des individus et des paramètres de la violence communautaire et/ou urvaine. Car c’est l’histoire des gens qui font société. En tissant entre eux, au quotidien comme dans la durée, des liens de toutes natures, les individus deviennent et deviendrons ce qu’ils en sont et seront aujourd’hui et demain.  Une telle appréhension relationnelle des vécus individuels et des destins collectifs, permettra de poser les liens les facteurs de violence au niveau communautaire et/ou urbaine et le cheminement des individus dans la société.

Les dimensions sociales que nous proposons de privilégier, ici sont liées au parcours migratoire du candidat au programme, les héritages en termes de pratique socioprofessionnel de ses parents, ses relations sociales et ses connaissances de la violence.

Le tableau, ci-dessous donne des indications, plus pou moins sommaire, sur la manière dont ces dimensions peuvent être évaluées.

#
Dimension
Critère de mesure
Cote
1.        
Parcours migratoire 
·         Zones d’origine ;
·         Zone de transit ou de résidence à des périodes subséquentes ;
 
 
2.        
Activités professionnelles des parents
·         Type d’activités
 
3.        
Relation sociale 
·         Membre d’association sociocommunautaire ;
·         Membre de mouvement ou de parti politique.
·         Membre d’association socio-professionnelle.
 
 
4.        
Connaissance de la violence
·         Savoir manipuler une arme à feu ;
·         Pratique de la chasse ;
·         Avoir vu des scènes de violence ;
·         Avoir été victime de la violence ;
·         Avoir eu un proche parent victime de la violence
 
 
 
Le modèle proposé étant conçu de manière pro-objective, le processus et les critères d’identification doivent être adaptés selon les besoins et les obstacles à les appliquer. Néanmoins, ces changements doivent respecter les liens théoriques du changement préconisé par le programme de référence.
 
III.                Processus de Sélection et de validation

La sélection des bénéficiaires pourra se faire suivant un triple processus : Administratif ; Communautaire et ; Mixte.

a)      Processus administratif

D’abord il faudra créer une structure stratégique pour la définition des grandes orientations du programme dans le respect de l’appropriation au niveau local et suivant les axes prioritaires définis par les autorités gouvernementale. A cette structure s’adjoindra une structure technique qui assure le contrôle de la mise ouvre de la vision stratégique du programme.  Tous le processus administratif devrait être entériné au niveau stratégique et technique. L’approbation des critères théoriques d’identification des bénéficiaires deviendraient le fondement du processus administratif. Ces structures s’assureront que lesdits critères soient suivis et/ou amendés en fonction de l’évolution de la dynamique sociale.

b)      Processus  communautaire

Le processus communautaire d’identification des bénéficiaires est le plus participatif que possible. Il est déterminé par le biais de groupes spécifiques incluant les autorités locales, les leaders communautaires, des Notables et/ou chef de village, des autorités religieuses, des associations et organisations communautaires de base, des acteurs humanitaires et/ou partenaires affiliés au système des Nations et d’autres activistes communautaires.

 Afin d’assurer une participation motivante un système de quota à candidature pourrait être envisagé et attribuer aux partenaires crédibles identifiés dans le milieu. Au travers de leur système de travail et/ou d’intervention dans les communautés cibles ces acteurs pourraient identifier des potentiels bénéficiaires qu’ils orienteront vers le système de réception des candidatures. D’un autre côté, des facilitateurs communautaires préposés à la réception des candidatures feraient le profilage des candidate à travers d’un formulaire bien conçu.  Par la suite, le formulaire de profilage rempli devait être transféré à un système de data du programme qui se chargerait du traitement informatisé des dossiers.

c)       Processus mixte

Le processus mixte  combinera les critères administratifs aux critères communautaires. A ce niveau les bogues et/ou erreur de système de collecte et traitement pourraient être corrigés.

d)      Système informatique d’analyse de critères et particularité de traitement

Les données permettant d’évaluer la correspondance du statut du candidat au profil recherché seront saisies dans une base de données et traitée avec un programme informatique  sur Microsoft  Access.  Ce système permettra d’augmenter l’objectivité et la neutralité dans la sélection.

IV.                En guise de conclusion

La mise en place et l’utilisation d’un système de sélection objectif des bénéficiaires des projets d’un programme d’apaisement social visant la prévention et/ou de Réduction de la Violence Communautaire et/ou urbaine permettra d’éviter des reproches, non seulement de la part des Auditeurs mais aussi, des membres des communautés cibles du programme.  Le processus et les outils doivent être testés au début du programme et adaptés selon les observations de terrain.

Enfin faisons remarque, qu’en dépit du fait que le programme cherche à diminuer les potentialités de la violence dans les communautés, le processus d’identification des bénéficiaires devrait tenir compte, par exemple, des personnes frappées d’incapacité physique, même si cette incapacité n’est pas strictement liée à leur association ou affectation dans le cycle de la violence communautaire. Cela permettrait d’éviter que de tels programme sont fait pour récompenser les bandits, et en le faisant on encouragerait tacitement les gens à être de la sorte.

 
Jean Laforest Visene

Sociologue, M.A. es Sc. Développement
Professeur à l’Université d’Etat d’Haïti (UEH)
E-mail : visenejl@gl.com
Web page : www.visenjl.blogspot.com



[1] Voir : L’article de Florence Morestin, Patricia Grant & Valéry Ridde (Université de Montréal, Canada), « Les critères et les processus d’identification des pauvres en tant que bénéficiaires de programmes dans les pays en développement »,