Du déroutage de la sociologie
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Par Jean Laforest Visene
Aujourd’hui, la sociologie est
devenue méconnaissable par l’imposture qui l’envahie et la déstabilise. Tout le
monde s’autorise à produire un discours sociologique. En fait, tout le monde en
produit. Si non, la normativité du vivre-ensemble nous serait inconnue et/ou mystérieuse.
Ce qui fait problème est que, comme dans un spectacle de stars-mania,
l’interlocuteur bénéficiant d’une vitrine, se poste comme sociologue, et essai
d’émettre un discours intentionnellement construit à cet effet. D’un coup, son
discours détrône Auguste Comte (1798-1857), Emile Durkheim (1858-1917) et Max
Weber (1864-1960) et bien d’autres fondateurs de la sociologie. Pourtant ce
sont ces derniers qui ont posé les balises de l’exercice de la discipline.
Nous
n’avons pas la prétention de déconstruire, ici, les discours des faussaires
sociologues, ni d’excuser les praticiens de la discipline. Mais, nos propos
s’inscrivent dans le sillage d’un débat public sur l’ambition scientifique
d’antan de la sociologie et son devenir. Ainsi, construit c’est-à-dire dans une
perspective de militantisme fondamentale de la sociologie, ce papier vise à
propulser dans l’opinion, une réflexivité tant sur la pratique actuelle de la
sociologie que sur les discours édictés en son nom. Tandis que l’ambition de la
sociologie était de rompre définitivement avec l’explication du réel social
suivant une perspective métaphasique[1], ce type discours,
que nous dénonçons, amène la discipline sur un autre terrain plus futile :
Celui de la médiocratie. Etre un refus de la métaphasique et mettre en exergue
les rapports constant qui existe entre les phénomènes observés, tel était et est
encore le niveau de standard préconisé par la sociologie.
Comment
est-on arrivé là ? Quelle est l’erreur qui serait à base de cet écart constaté ?
Que faire pour stopper les dérives dans le postage de la discipline à travers
les tribunes ? Telles sont les questions fondamentales auxquelles notre papier
tend à apporter une réponse.
1. Hypothéser le déroutage de la sociologie
Il
est une obligation pour la sociologie de mettre en œuvre des processus de
recherches afin d’arriver à la formulation d’énoncée et de théories
explicatives, l’élaboration de système conceptuel (Jargon/discours), mise en
évidence de faits et phénomènes sociaux. Tel est le but réel de la sociologie
comme discipline autonome des sciences humaines et/ou sociales. Force est de
constater que la sociologie est postée autrement dans les pratiques
intellectuelles, les usages académiques et l’exploitation administrative de la
discipline. En effet, tout comme d’autres disciplines de sa famille, la
sociologie est victime de pressions sociales qui lui formulent des demandes
dont à l’origine elle n’avait pas la prétention de satisfaire.
On est
passé de la sociologie comme l’étude scientifique des formes d’association
humaine, bref, du vivre-ensemble, à une forme de « zophologie », à
mon avis, qui est, certes, un discours
sur le social, mais, qui n’a rien à voir avec aucune exercice de sciences
sociales, voire de la sociologie en tant que telle. Le genre observé s’apparenterait
plutôt à une variante de la philosophie, de la logique ou du gros bon sens. Contrairement
à la sociologie scientifique, qui une science complète, avec des démarches et
des méthodes précises, des cadres expérimentaux reproductibles, des concepts
reconnus par les collectifs de sociologie, la zophologie est un discours
formaté, parfois à l’improviste et d’une manière générale qui ne suit pas de
règle de l’art scientifique. Si le sociologue est un scientifique, le
zophologue pourrait être à la rigueur un « causeur » d’acabit romanesque[2]
et dans la plupart des cas de très mauvais « hâbleur ».
L’occupation
des zophologues de beaucoup d’avenues des « mass-médias », des appareils de la communication massive
depuis un certain temps porte atteinte au prestige de la sociologie et déroute
un peu le discours et la pratique de cette discipline. On peut dire qu’elle
obscurcit la valeur de la sociologie et affecte sa pratique et son autorité. Malheureusement,
même le zophologue se fait passé pour un sociologue. En plus, même les
directeurs d’opinion tendent à les identifier comme tel. Comme Bachelard (in le Rationalisme appliqué, 1949), on
dirait que « la culture scientifique est hélas livrée au jugement de ceux
qui n’ont jamais fait le moindre effort pour l’acquérir ».
Pour
comprendre l’effet de déroutage de la zophologie sur la sociologie, les dérivent
qui s’en suivent, nous présentons ici la posture fondamentale de la sociologie en
termes de sa finalité / sa mission et manière d’être dans le concert de la
science. Nous nous limiterons à présenter la vision du principal père fondateur
de la discipline à savoir Auguste Comte.
Certes, la vision de ses deux principaux assesseurs : Emile Durkheim et
Max Weber sont aussi importantes pour dans le cadre de cet exercice. Mais, en
raison de suffisance de la matière dans la vision de Comte, nous nous
abstiendrons à lui.
2. Des définitions de la sociologie notifiant
la posture de la discipline
Le
père fondateur de la sociologie, Auguste Comte, a fourni la première définition
sans ambigüité à la discipline, qu’il appelle au départ « physique sociale »[3]. « J'entends par
physique sociale, écrit-il, la science qui a pour objet propre l'étude des
phénomènes sociaux, considérés dans le même esprit que les phénomènes
astronomiques, physiques, chimiques et physiologiques, c'est-à-dire assujettis
à des lois naturelles invariables, dont la découverte est le but spécial de ses
recherches[4]
». En plus de fournir une indication claire de l’objet de la sociologie, de ce
qu’elle devait être, cette définition établit aussi la posture méthodologique
de cette science.
Le terme
physique sociale indique l’intention
parfaitement claire d’aborder les phénomènes sociaux de manière objective
vigilante[5]. Le
traitement de l’objet de la sociologie, dans la perspective comtienne, n’est
pas distinct de celui des sciences de la nature. Au contraire, il est étroite
continuation avec lui, avec une nécessité d’adaptation[6]. Car, estime-il,
les phénomènes sociaux sont aussi des phénomènes naturelles. Car pour Comte, la
sociologie est aussi une science naturelle au même titre que les autres. Sauf,
qu’elle est plus complexe que les autres, en raison de la nature d’une « Psycho-amphibologique »
extraordinaire de son objet[7].
La
société est composée de familles, comprenant des individus, êtres à la fois
biologiques et spirituels, c’est-à-dire,
doués de capacité de raisonnement. Ils sont aussi conditionnés par des facteurs
environnementaux d’une extrême importance pour la saisie des phénomènes sociaux.
Les domaines de la psyché, de la culture et de la nature, sont essentiellement
les paliers de la complexité des phénomènes observés par la sociologie et qui ont
pour effet la difficulté du praticien de la sociologie pour parvenir à une
explication d’une totale exactitude. Notons que chaque individu social est en
fait une totalité : Il a un corps (biologie)
un caractère qui lui est propre (Psyché),
une histoire (individuelle et collective),
appartient à une famille et d’autres formes d’association (liens
forts / liens faibles, société).
Attirons
aussi l’attention sur une autre définition que Comte a donnée à la discipline,
dans son 47ème cours de philosophie positive : « L’étude
positive de l’ensemble des lois fondamentales propres aux phénomènes sociaux[8] ».
Notons qu’en définissant la sociologie comme une étude positive et bien avant
comme physique sociale, Comte lui confère non seulement la démarche des
sciences de la nature mais aussi lui impose une démarche similaire appropriée à
l’objet d’étude de la sociologie. En tant qu’étude positive, comme les sciences
de la nature elle doit dégager des lois.
On retient des définitions,
ci-dessus, d’Auguste Comte qu’un discours sociologique doit résulter de modes
opératoires appropriés à la nature tant de l’objet de la sociologie que des
composantes du phénomène sur lequel porte le discours.
3.
De la démarche préconisée
par le père fondateur
Auguste
Comte fut le premier à doter à la sociologie d’un objet d’étude, ses premiers
cadres théoriques et d’une méthodologie pour appréhender les faits et
phénomènes sociaux qui lui intéresse.
En effet,
dans son catéchisme positiviste[9] (1852)
il fait deux divisions de la philosophie positive, ou Connaissance systématique
de l'humanité : Une division dogmatique et une division historique. La
sociologie a, ici, la stature d’étude directe de l’ordre humain collectif. Dans
le rangement général se trouve par ordre suivant la complexité : La
mathématique, la physique (Astronomie, terrestre-physique générale et chimie)
la biologie, la sociologie et la morale. En dépit du fait du rangement de la
sociologie au côté de ces disciplines, Comte n’entend pas pour autant appliquer
de manière stricte la méthode de ces disciplines au domaine de la sociologie. Elle
n’est qu’un modèle de référence. Car, estime-t-il, il n’y a point un modèle
unique du savoir positif[10] et aussi que la science de la statique de la
dynamique sociale est en continuation des sciences qui l’ont précédé. Par
conséquent elle est plus complexe qu’elles.
Au lieu
de s’attacher à la tradition, la science nouvelle ne se fie plus qu’au
raisonnement triplé de l’observation, la comparaison et l’expérimentation, justement
combinés comme les seuls moyens légitimes d’acquérir le savoir. Le discours
sociologique devait être fondé non sur des spéculations a priori, sur des idées
toutes faites, mais sur l’observation qui constitue la seule base de la
connaissance humaine et devra aboutir à l’énonciation de lois :
Observation des faits, comparaison et/ou expérimentation, établissement, a
posteriori, de lois ou de théories explicatives, telle est le fil conducteur de
l’énonciation explicative des faits et des phénomènes sociaux ou humains
collectifs. Partant de ce processus, établit sur le principe du positivisme, on
réaffirme qu’il n’y a pas de connaissance réelle sans l’observation rigoureuse des
faits et de l’expérimentation scientifique.
Par
ailleurs, la conception évolutionniste de Comte avec l’énoncée de la loi
d’évolution des sociétés humaines et du progrès de l’esprit humain, à savoir la
loi des trois états : Un stade fictif ou théologique, un stade abstrait ou métaphysique et un stade positif
ou scientifique, donne à l’histoire une place prépondérante dans l’analyse des
faits et des phénomènes de société[11]. D’où le principe
de la relativité des lois sociales énoncées en comparaison à celles des
sciences de la nature. Comme le dit Gaston Bouthoul : Que ces phénomènes
soient observés simultanément ou successivement, que nous les relions par la
similitude ou la filiation, nous ne devons jamais avoir en vue la recherche des
causes absolues ou la nature intime des
choses[12] ».
La
recherche au hasard, d’après Comte, doit être écartée dans la pratique de la
sociologie. Car, écrit-il, dans sa 1ère leçon de philosophie
positive : « Si on contemplait les phénomènes nous ne les rattachons point
immédiatement à quelques principes, non seulement il nous serait impossible de
combiner ces observations isolées, et, par conséquent, d’en tirer aucun fruit,
mais nous serions entièrement incapable de les retenir ; et plus souvent
les faits restent entièrement inaperçus sous nos yeux ».
Enfin
signalons que Comte confère à la sociologie la démarche hypothético-inductive
comme celle privilégiée pour aborder les faits et les phénomènes qu’elle
apprécie. Contrairement aux philosophes des lumières qui pratiquaient la forme
de philosophie spéculative, consistant à l’énonciation de propositions sans les
avoir préalablement confrontées aux faits, Comte estime que c’est tout à fait
le contraire qui devait être pratiquer par la sociologie en tant que science
positive. Cette démarche hypothético-inductive se définit comme « Une
démarche scientifique qui part des fait pour parvenir à l’élaboration
théorique. Elle s’oppose à la démarche hypothético-déductive, qui à l’inverse,
des systèmes théoriques que l’on vérifie dans les faits[13] ».
On retient que depuis sa fondation
par Comte, il a été institué une démarche claire d’appréhension des faits et
des phénomènes sociaux qui constituent l’objet de curiosité scientifique de la
sociologie. En dehors des modes opératoires admis par la sociologie, on ne peut
pas prétendre parvenir à une compréhension et explication des faits et des
phénomènes sociaux au point de pourvoir produire un discours sociologique sur
eux.
4.
De
l’attitude du praticien de la sociologie face à son objet d’étude
Auguste
Comte a insisté sur la question de l’attitude de neutralité que le sociologue
doit avoir face à son objet d’étude ou du moins vis-à-vis des faits et des
phénomènes sociaux qui sont soumises à son appréciation scientifique. « Il
faut, dit-il, écarter toute idée absolue de bien et de mal ». Le
sociologue, estime-il, ne doit pas prétendre gouverner les phénomènes qu’il
observe, ni les modifier à son gré. Même porter un jugement sur ces phénomènes
c’est déjà les transformer d’après Comte. Le sociologue n’a pas donc d’état
d’âme face à son objet et il n’y a ni de position idéologique. Il n’a non plus ni
de désir, ni de préférence face aux phonèmes qu’il étudie ou de leur manières
d’être[14].
L’esprit
positif, d’après Comte, qui doit dominer la pensée scientifique de la
sociologie impose au sociologue lui-même de la rigueur, de la rationalité et de
l’objectivité. Il sait que son attitude doit s’en tenir au fait c’est-à-dire à
réalité plutôt que de se fier aux produits de l’imagination. Tout comme dans
les sciences de la nature, le sociologue suivant la pensée de Comte doit avoir
l’attitude de se référer aux faits pour trouver son explication au lieu de se
croire à a une causalité externe comme les forces surnaturelles. Par ailleurs, Comte a établi le principe du
regard extérieur de l’observateur. Car, dit-il : « L'observation
intérieure engendre presque autant d'opinions divergentes qu'il y a d'individus
croyant s'y livrer[15] ».
Qu’en
est-il de l’attitude du praticien face aux maux sociaux ? Michel Lallement écrit : « De manière à résoudre la crise
sociale, Comte ne milite pas, contrairement aux contre-révolutionnaires. C’est
un nouvel ordre social basé, non sur des croyances ‘théologiques’ mais sur des acquis de la philosophie positive que
Comte appelle de ses vœux. Ce positivisme se décline en deux règles élémentaires :
Observer les faits à l’écart de tout jugement de valeur et énoncer des
lois ».
On
retient que, dès l’origine, le jugement de la sociologie se produit aux
antipodes de l’influence de l’émotion, du jugement de valeur et du sens
commun. Le trait caractériel du
sociologue se résume à l’énoncée suivante : « Le professionnel n’a
pas d’Etat d’âme ». En dehors de ces prescrits étique et épistémologique
on ne peut pas prétendre produire un discours dans la normativité
sociologique.
5.
En guise
de conclusion
La
sociologie scientifique ne peut pas se passer des principes préliminaires de
scientificité de la discipline établis par Auguste Comte. Elle doit dépasser les simples opinions, être
objectives des réalités sociales et méthodique. Comme le dit Pierre-Jean Simon
cette sociologie ne peut être qu’une sociologie positive[16]
C’est dans ces seules conditions qu’on peut s’attendre à une sociologie qui
produit des effets de connaissance. Si non, estime l’auteur, la sociologie
devra être considérée comme un discours de philosophie sociale ou, au pire, de
couverture universitaire à une idéologie politique, de manière un peu dérisoire
que mauvaise littérature.
Pratiquer
une sociologie positive n’est nullement une obstruction à la solution des maux
sociaux et la recherche du progrès social. Au contraire, ce format d’exercice de
la sociologie est rassurant pour répertorier des idées franches et scientifiquement
rationnelle afin qu’on puisse poser des actions visant à agir sur l’environnement
humain et pour le transformer. Comme le dit Raymond Boudon et AL la sociologie
participe d’une double manière à la dynamique sociale. « D’une part, c’est
elle qui permet à l’esprit humain de boucler sur lui-même son propre mouvement
par la connaissance de ses produits et de ses opérations [17]».
« La connaissance des lois des phénomènes,
dont le résultat constant est de nous les faire prévoir, peut seule évidemment
nous conduire, dans la vie active, à les modifier à notre avantage les uns par
les autres. Nos moyens naturels et directs pour agir sur les corps qui nous
entourent sont extrêmement faibles et tout à fait disproportionnés à nos
besoins. Toutes les fois que nous parvenons à exercer une grande action, c'est
seulement parce que la connaissance des lois naturelles nous permet
d'introduire, parmi les circonstances déterminées sous l'influence desquelles
s'accomplissent les divers phénomènes, quelques éléments modificateurs, qui,
quelque faibles qu'ils soient en eux-mêmes, suffisent, dans certains cas, pour
faire tourner à notre satisfaction les résultats définitifs de l'ensemble des
causes extérieures En résumé, science, d'où prévoyance; prévoyance, d'où action
3 : telle est la formule très simple qui exprime, d'une manière exacte, la
relation générale de la science et de l'art 1, en prenant ces deux expressions
dans leur acception totale.[18] ».
La
sociologie fournit des éléments de médication aux problèmes sociaux. La
connaissance réelle des lois qui gouvernent les faits et les phénomènes sociaux
est en fait la dotation à l’homme d’un pouvoir d’agir sur eux. Sans le vouloir,
la sociologie positive contribue au modelage et à la transformation de ses
objets de curiosité. Viscéralement, en raison de la nature du dit objet, le simple fait d’approcher un phénomène est
sujet à impacter sur lui.
Comment est-on
arrivé à cette dérive zophologique de la sociologie ? Dès ses débuts, la
sociologie est victime de son ambition, puis de son succès. En raison de
l’autorité qu’elle a acquise, elle est devenue à la fois enviable et un
parapluie. La principale raison de ce méfait causé à la sociologie est due au
fait que la discipline reste peu institutionnalisée. Cette situation rend la
sociologie vulnérable et une proie facile aux imposteurs qui cherchent à duper.
Il est vrai qu’il existe quelques centres d’enseignement de la sociologie. Cependant,
il n’y a pas assez de collectifs de la discipline qui pourraient non seulement
se poster en véritable défenseur, protecteurs de la discipline mais qui
sauraient aussi déconstruire les faux discours sociologiques. Deuxièmement, la
sociologie est elle-même émiettée d’un point de vue des assises idéologiques[19]
de la pratique de la discipline et de son utilité. Cet émiettement pose un
autre problème qui fragilise davantage le contrôle de l’effet de connaissance
de la discipline.
Sans
aucune formation en sociologie, beaucoup s’arrogent de droit de forger des
concepts de toute pièce sociologiques pour traduire des réalités sociales.
Certains prétendent aussi de produire un discours sociologique sur des sujets
pointus. Mais, institutionnelle la sociologie n’intervient pas pour, soit pour
valider ou pour rectifier le tir. Le fait est qu’il n’existe pas de
corporations de la sociologie ayant cette vocation. En toute logique, ce sont
les centres de formation et de recherches en sociologie qui devait ce rôle d’avant-gardiste
et de protection de la discipline.
En fait
on ne veut pas dire que la multiplicité des écoles de pensée en sociologie est
un des problèmes fondamental de la discipline. Mais, la dissension à
l’intérieur de la discipline constitue un handicap majeur à la posture
scientifique de la sociologie. Le discours n’est plus impersonnel. Comme on l’a
vue plus haut, la science n’a pas de point de vue, ni de position. Elle n’a
qu’un regard. Il est vrai qu’en raison de la complexité des faits et des phénomènes
étudiés par la sociologie, on doit avoir une approche multipolaire pour les
saisir quasi-totalement. Mais cela ne
fait pas pour autant une opposition entre les approches utilisées et les
résultats obtenus. Au contraire ces approches et résultats se complètent. Déterministe,
individualiste et interdépendance sont des modèles d’analyses complémentaires. Interactionnisme,
marxisme, fonctionnalisme, et autres ne sont que des regards.
Ce qui
est constaté c’est que les écoles sont des alibis pour des prises de positions
dans la pratique de la discipline. Nous n’entendons pas proposer une
restriction de la liberté du sociologue. Mais, la recherche d’une unité de la
démarche et de l’accouplement des approches différentes sont nécessaires pour
une sociologie plus exacte et ayant la posture d’une science dans la vision de
Comte.
Que
faire pour stopper les dérives constatées dans la posture de la discipline à
travers les tribunes ? Nous proposons :
·
Le développement et/ou le renforcement
des collectifs de la sociologie ;
·
L’institutionnalisation de corporation
de la discipline comme la mise en place dans chacun des pays et territoires de la planète où la
sociologie est enseignée d’un Ordre des Sociologue qui aura pour mission
d’accréditation des praticiens sociologue, de contrôler la pratique du métier
au regard de l’éthique universelle de la discipline et au regard des
législations locales ;
·
De sanctionner le savoir produit au
niveau local et de soumettre celle qui est valider à la communauté scientifique
au niveau mondiale ;
·
Le développement d’une filiation
régionale et international de l’ordre de sociologie ; D’assurer la
formation continuer et le recyclage des sociologues accrédités.
Enfin,
afin de stopper les dérives qui vienne de l’intérieur même de la sociologie
nous proposons, également :
·
En plus des codes éthiques pour être
membre d’un collectif, il faudra échafauder un code déontologie universelle
pour le métier de sociologue ;
·
Que les candidats sociologues, comme
c’est le cas pour les praticiens des autres disciplines, puissent prendre
l’engagement de pratiquer le métier sous serment[20].
Tout
compte fait, la production des effets de connaissance sociologique doit être indépendant
des artifices sociales. En référence à la formule de la philosophie positive de
Comte : « Savoir pour prévoir
et prévoir pour pouvoir[21] »
nous admettons qu’étant sociologue qu’on peut être apte à occuper des fonctions
de service, utilitariste et transformation du social[22].
Car, cela peut être même un prétexte, sans l’apparat d’une traitrise, pour
pouvoir appréhender le fait sociologique. L’ambition de tous les fondateurs de
la sociologie ainsi que de ses précurseurs comme Karl Marx, Saint Simon, Comte,
Durkheim, Georg Simmel, Weber était d’apporter un changement en profondeur dans
leur société[23]. Nous tenons à notifier que cela ne fait pas
pour autant du sociologue un travailleur social. En même temps nous attirons
l’attention sur le fait qu’il existe des fonctions inconciliables avec la
fonction recherche fondamentale.
Jean
Laforest Visene
Professeur
à l’Université d’Etat d’Haïti
Sociologue,
M.A Sciences du Développement
Email: visenejl@gmail.com
[1] Gaston Bouthoul, Histoire de la
sociologie, Presses Universitaires de France, Paris France, 1971, page
52-60.
[2] Etre universitaire ne veut pas dire qu’on est sociologue. Si non, ce
ne serait pas important d’avoir un département de sociologie dans une faculté.
Tout comme le sociologue n’est pas historien, géographe, travailleurs social,
économiste ou autre, ces derniers ne sont pas non plus des sociologues. En
dépit du fait qu’une discipline peut emprunter la démarche d’une autre pour
parvenir à l’explication, aucune d’elles ne peut pas prétendre produire le
discours de l’autre.
[3] Physique sociale est la
première appellation que Comte a donnée à cette discipline. Ayant pris
connaissance de l’usage de cette expression par le Belge Adolphe Quételet pour
ses travaux de statistique sociale, il a recouru au terme sociologie pour
designer sa science nouvelle. Notons que le terme a été inventé par l’homme
d’église, politique et essayiste français Emmanuel-Joseph Siyès. Le terme était
peu conceptualisé. En tant qu’homme politique Siyès voulait
développer un art social. Car, dit-il : La connaissance positive de la
société doit servir à gouverner. Mais c’est compte qui a popularisé le terme
avec son nouvel usage.
[4] Auguste Comte, Opuscules de
philosophie sociale (1819-1828), page 27, http://classiques.uqac.ca/classiques/Comte_auguste/la_science_sociale_extraits/1_opuscules_philo_soc/opuscules_philo_sociale.pdf
[6] Notons que Comte
voulait créer une science qui deviendrait le stade ultime des disciplines
savantes et pratiques, en d’autres termes son couronnement. Cela signifie que la
sociologie devait parfaire l’ensemble des recherches menées jusque-là.
[7] Auguste Comte, dans CATÉCHISME POSITIVISTE (page 4) parle de
la sociologie comme une science dont les
phénomènes sont à la fois plus simples et plus généraux, suivant l'esprit de
toute la hiérarchie positive http://classiques.uqac.ca/classiques/Comte_auguste/catechisme_positiviste/catechisme_positiviste.pdf
[8] Larousse, « Étude scientifique des sociétés humaines et des faits
sociaux » http://www.larousse.fr/encyclopedie/divers/sociologie/92348
[10] Raymond Boudon, et Francois Bourricaud, Dictionnaire critique de la sociologie, Editions Presse
Universitaires de France (PUF), Paris, France, 2004, page 88.
[11] Voir Massimo Borlandi et Al. Dictionnaire
de la pensé sociologique, Presse Universitaire de France, PUF) Paris,
France, 2005, page 110.
[13] Béatrice Barbusse et Dominique Glayman, Introduction à la sociologie, Editions, Fourcher, Paris,
France, 2000, page 15.
[15] Auguste Comte (1830-1842), Cours
de philosophie positive, (1er et 2ème leçon), page
42, http://classiques.uqac.ca/classiques/Comte_auguste/cours_philo_positive/cours_philo_pos_1_2.pdf.
[17] Raymond Boudon et Al., Dictionnaire
de sociologie, Edition Larousse-Borda/HER, Paris France, 1999, page 40.
[19] Toute discipline a sa configuration épistémologique et étique qui est
censé conditionné sa pratique. Cette configuration est en fait une forme de l’idéologie,
laquelle diffère du sens du concept idéologie dans la pratique politique sens
politique. Quand la règle n’est pas formalisé, imposée contrôlée, le terrain
est propice à de telles dérives comme constatées.
[20] Voir sur http://visenejl.blogspot.com/2015/06/le-serment-du-sociologue.html
une proposition de serment.
[21] Le véritable esprit positif consiste d’après Comte, à voir pour prévoir, à
étudier ce qui est afin d’en conclure ce qui sera, d’après le dogme de
l’invariabilité des lois naturelles Comte, Discours sur l’esprit positif 1844.
[22] Le père fondateur voulait être un réformateur de la société. Voir son
ouvrage : « Plan des
travaux scientifiques pour reformer la société » (1922).
[23] Pour plus de détails voir Christian Laval, L’ambition sociologique, Editions Gallimard, Imprimé en
Espagne, 2012.