mardi 10 mars 2020

Malgré Haïti, elle est aux origines et de l’entendement des programmes RVC et PSC - Première partie


Malgré Haïti, elle est aux origines et de l’entendement des programmes RVC et PSC - Première partie





Par Jean Laforest Visene de Lyvia Tulce



La crise socio-politique qui secoue Haïti a mis en relief combien les efforts en matière de Désarmement, Démobilisation et Réinsertion et la Reduction de la Violence Communautaire (RVC), ainsi que ses assimilés comme Programme de Sécurité Communautaire (PSC) étaient, en tant que tels, insuffisants. Il est évident que des armes illégales et les activistes de la violence armée en Haïti sont innombrables. On les trouve partout, dans les villes comme dans les bidonvilles, dans les milieux ruraux comme dans les milieux urbains, dans les zones réputées chaudes comme dans celles jadis considérées comme plus ou moins sûre. Comment doit-on comprendre cette inquiétante démonstration de l’existence des armes et le niveau de volatilité de la sécurité dans le pays, alors qu’Haïti, malgré elle, est aux origines et de l’entendement des programme RVC, PSC et assimilés ?





I.                    CADRE D’ORIENTATION



a.      Perspective et organisation du texte

Cette publication contient une série de quatre articles, Dans cette série, nous revisitons l’approche expérimentale, des programmes mis en œuvre sous le chapeau de la stabilisation et la recherche de la sécurité communautaire, en insistant sur le fondement historique de la violence en Haïti. La littérature locale et internationale sont bondées de référence liant la situation sécuritaire d’Haïti à un problème d’accaparement des ressources, donc de non-distribution de la richesse du pays. Au cours de cet exercice nous instrumentaliserons les concepts : Violence communautaire, Groupes armés, Sécurité communautaire, Réforme du Secteur de Sécurité (RSS). Cette série est développée comme suite, y inclus la présente :



·         Première partie : « Malgré tout, Haïti aux origines et de l’entendement des programmes RVC et PSC » ;

·          Deuxième partie : « RRSVC comme Outil de stabilisation et de sécurisation communautaire » ;

·         Troisième partie : « Postulat d’ordonnancement philosophique et d’opérationnalisation du RRSVC » ;

·          Quatrième partie : « Esquisse méthodologique pour une réorientation du RRSVC ».



b.      Raison de ce texte

Cette publication, sous la thématique « RRSVC en Haïti et pays congénères » aborde les fondements des actions en matière de DDR de seconde génération et de PSC que nous mettons dans un paquet global de Programme de Réduction des Risques Sécuritaires et de la Violence Communautaire (RRSVC). Les différentes parties du texte constituent notre contribution afin d’instituer la mémoire qu’Haïti est le berceau du RVC (La principale forme de DDR de seconde génération) et aussi du PSC.



Toutefois, le texte vise principalement à apporter une contribution pour initialiser un débat public sur les problèmes de fonds et les limites des programmes que nous englobons dans notre concept : « Reduction des Risques de Sécurité et de Violence Communautaire (RRSVC) ». Malgré, de toute évidence, ces types d’actions, initiées, sous le label RRSVC, sont des innovations issues de l’imagination coopératrice afin de contribuer à l’établissement de la paix dans des pays en crise. Une telle réflexion devrait permettre qu’on pose notre regard sur la panoplie d’outils afin que collectivement nous isolons les bonnes et les mauvaises pratiques.





II.                  AU-DELA DE LA CONCEPTION HAÏTIENNE DU RRSVC



a.      Des outils connectés à une parapluie d’autres

Dans leur conception et leur forme d’action, le PRC, la RVC et assimilés, sans oublier leur flexibilité, à part d’être un outil de DDR (Désarmement, Démobilisation et Réinsertion) sont des actions sous-jacentes à la coordination globale supportant d’une manière large la mise en œuvre de la stratégie de sécurisation et de stabilisation. Il y inclut la Réforme du Secteur de sécurité (SSR), la Réforme du Secteur de la Justice (RSJ), et même un appui à la Protection des civiles et l’intermédiation dans les conflits intercommunautaires.



Comme l’appellation des sous-composantes du RRSVC l’indique, chacune d’elles à influer positivement sur la sécurité humaine et d’amorcer les conditions d’une reprise socio-économique de leur zone cible. Ces types d’actions dans des programmes internationaux de stabilisation et de sécurisation, tels qu’en Haïti et dans d’autres pays congénères, sont encore à une phase de consolidation expérimentale. Elles constituent des approches très populaires et considérées comme des moyens additionnels innovants pour adresser des problèmes de sécurisation et de stabilisation, surtout dans des pays qualifiés de menace pour la sécurité internationale pour reprendre la terminologie habituelle des résolutions du Conseil de Sécurité des Nations Unies (CSNU). Dans divers milieux des pays développés elles sont aussi mises en avant comme action de prévention des risques de la délinquance juvénile dissimulée à travers des plans sociaux globaux.



b.      Au regard de la perspective DDR en Haïti

De son initiation en République d’Haïti, en 2006, à son implémentation en République démocratique du Congo, en 2016, une décennie d’expérimentation de l’approche Réduction de la Violence Communautaire (RVC/RVC) s’est écoulée. Durant, (i) des schémas de RVC ont été élaborés ; (ii) des forces et des faiblesses dans leur expérimentation sont mis en relief ; (iii) des efforts de théorisation essayé d’adresser les écarts observés ont été élaborées. Analysant le statut de RVC en termes d’approche et de ses applications particulières, la nécessité d’une revisite de l’approche et d’incitation à une discussion constructive sur son développement et son expansion paraît comme un besoin patent.  Certes, l’approche a fait ses preuves, mais les avancées en termes de cadrage méthodique et de pragmatisme par rapport aux buts resteraient à améliorer. 



Comment l’approche RVC peut être efficace au désengagement et/ou dislocation des groupes armés et/ou criminelles, c’est-à-dire être un artisan du Désarmement et de la Démobilisation (DD) en passant par la création et l’animation d’un espace de dialogue entre les acteurs en conflit, la création d’un climat de confiance et la facilitation aux actions subséquente ? Comment peut-elle, par la suite appuyer le processus de Réinsertion / Réintégration (RR) des combattants démobilisés, ce qui voudrait dire être le tremplin de l’initiation du RR, d’appui à la coordination du transfert du suivi du processus RR au niveau communautaire ? Comment elle peut contribuer à aux actions visant le contrôle et la circulation des armes (petits et grands calibre) dans les communautés ? Comment elle renforcer la capacité des communautés à prévenir et agir sur des facteurs et des vecteurs de la violence ? Telles sont les questions en filigrane de notre réflexion qui s’inspire, comme nous le disions, des ambitions au premier balbutiement de ce type de DDR.



Nous soutenons, ici, que RVC et PRC sont, en principe, des outils institutionnels de DDR dans leur vision classique mais, au service d’une démarche de Sécurisation, de Stabilisation et de Développement devait se situer à une sphère plus ambitieuse et devrait faire preuve de plus d’imagination et de coopération à un niveau plus large. Au relief des velléités de RVC à travers les résolutions du Conseil de Sécurité des Nations Unies (CSNU), la démarche de RVC ne s’est pas suffisamment structurée autant du programme DDR traditionnel. De ce fait, le RVC devait se poster comme un héritier   puisant dans la boîte à outils conçu pour la gestion du programme DDR traditionnel ou s’assurer d’une version adaptée de ces outils pour une meilleure efficacité de ses interventions. Car, le système de suivi et d’évaluation mis en place pour le DDR classique (DDR de première génération) donne une certaine garantie de cadrage méthodologique du programme, ainsi que la gestion des risques dans sa mise en œuvre.



Eu égard aux excursions observées dans les pratiques de RVC, une identification des formes de violence devant l’intéressé, un regard sur son champ d’intervention, son ordre philosophique et son opérationnalisation, et les facteurs et vecteurs de la violence à être priorisés et considérant les bonnes pratiques et celles contre-productives, nous faisons, en fin de texte, des propositions pour un recadrage de RVC aux regards des velléités et perspectives initiales de l’approche.





III.                DES ATTITUDES FLIBUSTIÈRES A L’AVENEMENT D’UNE VIOLENCE EXACERBEE DANS L’HAÏTI CONTEMPORAINE



Sociologiquement, la société haïtienne, depuis sa fondation est conçue pour engendre des foyers de tension sociale et d’insécurité humaine. En effet l’accès restrictive de la majorité populaire aux ressources a conduit à des actions intempestives de réponse désespérée dictée par l’instinct de survie qui anime tout individu ou groupe ayant une conscience collective de leur existence et de leur solidarité. Dès son début, la république était organisée en des groupuscules politiques et commerçantes fonctionnant suivant une philosophie de prédation et machiavélique de protection d’intérêts. Une vision que nous qualifions d’introspectif et d’inintelligence et de voyeurisme intellectuel.



A ce sujet, les propos du père de la patrie haïtienne et premier Président de cette république, Jean-Jacques Dessalines (1804-1806) à l’endroit de ses généraux, mulâtres pour la plupart, était sans équivoque. Il disait : « Et les pauvres noirs dont leurs pères sont en Afrique, n’auront-ils donc rien ». Ces généraux se sont accaparés de toutes les terres cultivables, ne laissant rien à la majorité des nouveaux libres noirs. S’amorce ainsi un cercle vicieux de distanciation sociale entre les fils et les filles de la première république noire indépendante du monde, aboutissant à la création de deux groupes antinomiques ceux qui sont fortunés et qui en ont trop et ceux dépouillés de leur droit légitime et qui n’en ont rien. En fait, en s’accaparant de toutes les terres arables l’intention était de reprendre le même système d’exploitation en remettant sous les jougs d’une nouvelle forme d’asservissement, dans le moindre des cas à travers d’un système d’exploitation rentière. Cette manière d’accaparement des richesses du pays naissant s’est perdurer jusqu’aujourd’hui.



 Cette attitude flibustière [1] de la classe possédante [2] politique et de l’élite intellectuelle, ainsi que celle commerçante des émigrés arabo-occidentale d’Haïti, a créé définitivement deux extrémités économiques dans un seul pays : Les enrichis et les appauvris. En effet, la classe politique, la classe possédante, l’élite intellectuelle ainsi que la nouvelle classe commerçante d’Haïti se comportent comme ces pirates d’antan, détournant leur proie pour se le placer à l’extérieur tout en se casant dans leur repaire, illusoirement inaccessible. Le système d’exploitation rentière institué a complétement dérangé le paysage économique local, créant de l’intérieur un cercle vicieux de dépendance dans tous les domaines.



Face à une telle matrice de la stature économique et politique, la majorité nationale se réfugie derrière des clichés symboliques de résistance, de subsistance, voire d’instinct de survie engendrant dans les têtes et dans les cœurs une distanciation introvertie à travers de représentations typiques. Ainsi, des clichés Ti Wouj - Nèg nwè, Bourgeois - Paysans / Bas-peuple le pays a transité vers des distinctions plus exclusives, à en citer comme, Nèg anwo - Nèg anba, OP - Baz, Militan - etidyan, Manm ti komite Legliz (TKL).  Ces clichés symboliques deviennent des réflexes d’une conscience collective des masses d’appartenance à des groupes sociaux unique de condition. Ainsi, émiettant davantage le tissu social haïtien déjà fragilisé par une « clanisation » arbitraire depuis l’indépendance celui de l’haïtien nègre pure de race d’Afrique et l’haïtien de couleur issue des rapports entre les colons blancs et des esclaves négresses. Cette intense clivage de la conscience collective des masses populaire haïtienne à faciliter des récupérations à des fins égo-économiques des membres de la minorité bourgeoise entrée elle-même scission et déchirement internes pour, soit la conservation de monopole de sous-clans, soit l’accès à des secteurs d’activités économiques déjà contrôlés par d’autres.



Ainsi, à côté de la violence légitime détenus par les institutions républicaines de l’État, des factions économiques et politiques flibustières détiennent le monopole de la violence illégitime. L’accaparement de ce pouvoir est dû au fait de l’émiettement de la classe populaire accroupi dans des bidonvilles dans des conditions d’existence exécrables à la recherche d’accomplissement d’un rêve libertaire et d’un mieux-être à proximités les grandes agglomérations urbaines du pays. La vulnérabilité de la classe populaire s’est donc instrumentalisée à des fins de gain des clans économiques et politiques.



Construite sur une telle base de jeu d’acteurs politiques et économiques, opportun d’une école d’exclusion et étrangères aux caractéristiques sociales internes, d’une église assujettie aux intérêts et aux valeurs de la même mode d’exploitation esclavagiste d’antan, des vraies forces spirituelles du pays fonctionnant dans l’ombre du réel social, d’alliances instable entre les groupes sociaux, de motivations complexes et conséquemment de forces et de régimes politiques sans véritable possibilité et parfois capacité de vision d’ensemble, parsemé d’une perception internationale étriquée de la réussite d’Haïti que le pays a entretenu un système de relations sociales propices à la catastrophe consommé en 2004. Au lieu de l’intégration et l’engagement de l’élément haïtien dans les affaires de son pays on a assisté plutôt à un éloignement de l’être haïtien des centres vitaux des dimensions économiques, sociales et culturelles du pays. Ainsi, la vulnérabilité et la fracture instituées ont conduites à une désintégration du rêve indépendantiste haïtien de 1804 d’établir une société juste, inclusive, de vraie liberté et de fraternité pour ses fils et ses filles et la société universelle.



Ce contexte sociologique haïtien de crise complexe, à magnétisme d’éloignement permanent des motivations et intérêts des forces sociales du pays, de récupération opportuniste de la fragmentation de la classe populaire, s’amenuisent les barrières pour un éclatement féroce de la société globale du pays que les formes de gouvernances autocratiques et dictatoriales ont, pendant longtemps, retenues au ralenti. Avec l’avènement de la démocratie les verrous de rétention de cet éclatement se sont complétement effondrées, laissant ainsi la place à une manifestation visible l’intense flamme dans la poudrière flibustière, longtemps confinés dans les parties invisibles de la stature sociale haïtienne. Deux mille quatre n’était pas un événement conjoncturel mais sociétaire et communautaire, méritant d’être adressé avec des réponses à essence adapté aux conditions de cet éclatement.





IV.               HAÏTI ET LES DEBUTS DES FORMES D’ACTIONS RRSVC



4.1.            Le contexte politique et sécuritaire de 2001 à 2004

A la suite des élections conduisant au retour de Jean-Bertrand Aristide au pouvoir en 2001 en République d’Haïti, des protestations collectives mettent en présence deux grands groupes dénominatifs. D’un côté se trouve le groupe connu sous le label « Rat Pa Kaka » appelé ainsi pour leur mot d’ordre « Rat pa kaka, sourit pa travèse lari ». Ce groupe est aussi qualifié dans la littérature événementielle de l’époque de « chimère ». Il est l’allié du président au pouvoir. De l’autre, se trouve le groupe sous le label de « Grenn Nan Bouda (GNB) pour la plupart de jeunes universitaires et de leur mentors, orchestré particulièrement par la haute classe commerçante d’Haïti et ostensiblement par la classe politique de l’opposition. Entre 2002 et 2004 l’affrontement entre des deux groupes rivaux a complétement détérioré le climat sécuritaire du pays. Au début du mois de février de l’année 2004, un nouvel élément, sous l’appellation de Front Révolutionnaire du Nord (FRN) plus connus comme l’Armée du Nord, dirigé par un ancien Militaire et commissaire de Police dissident au pouvoir d’alors, Guy Philippe rentre en selle et se place aux côtés de l’opposition pour chasser le Président en poste. Face à une organisation sécuritaire constituée seulement de la jeune force de Police Nationale d’Haïti, puisque les Forces Armées d’Haïti (FA d’H) ont été dissoutes par le Président Jean Bertrand Aristide à son retour d’exil en 1994, l’armée du Nord bien équipé, depuis son fief dans le département de l’Artibonite, défait la PNH sur son parcours et fait route à Port-au-Prince afin, affirme son leader, de chasser le Président du pouvoir.



Mobilisé particulièrement à Port-au-Prince, le groupe de Rat Pa Kaka se mobilise pour affronter l’armée du Nord dans la capitale. Avant l’arrivée de l’armée du nord à Port-au-Prince, volontairement ou forcé, le Président Jean Bertrand Aristide a laissé le pouvoir le 29 février 2004 et s’est ou s’est fait exiler en République Centrafricaine (RCA). La présence d’une force multinationale, composé en particulier de la France et des États-Unis, a empêché la rentrée de l’Armée du Nord à Port-au-Prince et ainsi éviter les affrontements entre cette dernière et les membres du groupes Rat Pa Kaka dans la capitale. Néanmoins le groupe de l’armée du Nord, composés d’anciens militaires, des membres l’ancien groupe paramilitaire connus sous le nom de FRAPPE et opposant au pouvoir lavalasse durant la période de coup-d ’État contre le sieur Aristide entre 1991 et 1994, et de membres de partis opposants au pouvoir lavalas, reste très actif dans la partie du Nord. De leur côté, le groupe Rat Pa Kaka cris au Kidnapping du Président Aristide et lance une opération dénommé « Opération Bagdad » créant une situation d’insécurité particulière d’insécurité particulière dans l’aire de Port-au-Prince et des zones acquises à la cause de lavalasse.



4.2.            De l’avènement de la force d’interposition des Nations Unies en Haïti

Le même jour du départ de Jean Bertrand Aristide du pouvoir, le Conseil de Sécurité des Nations Unies (CSNU) a adopté la résolution 1529 autorisant le déploiement d’une Force Multinationale Intérimaire (FMI). Le 30 avril 2004, à travers la résolution 1542, a été institué dans le pays une mission multidimensionnelle de stabilisation connu sous le sigle MINUSTAH (Mission des Nations Unies Pour la Stabilisation en Haïti) dont l’un des aspects de son mandat était de conduire un programme de Désarmement, Démobilisation et de Réinsertion (DDR). En terme du volume du travail à abattre, une évaluation conduite par le chercheur brésilien Robert Muggah (Genève, 2005) [3], indiquait un chiffre de plus de 170 000 armes légères illégales, surtout des pistolets (38,9 mm) et des revolvers (5,56 mm et 7,62 mm) des armes créoles), des fusils d’assaut (7,62 mm) en circulation dans le pays et de toute évidence menaceraient la sécurisation et la stabilisation du pays. Ce chiffre ne prendrait pas en compte les armes les armes semi- automatiques comme M16, M14, PMK, Uzi illégalement en circulation dans le pays, ni celles, certes légalement enregistrées, mais détenus par les anciens membres des forces de sécurité étatiques. Ces armes sont reparties entre des groupes très diversifiés allant des ex-Forces armées d’Haïti (FADH), des anciens paramilitaires (du FRAPH), des anciens membres de la garde présidentielle, des organisations populaires (OP) / milices d’auto-défenses / des « baz », des groupes criminels organisés dont une partie est appelé zenglendos en raison de son mode opératoire de nuit, des sociétés de sécurité privées, des membres de la classe politique, jusqu’aux particuliers. Comme l’a indiqué Muggah (OP. Cit) :



« Les élites civiles et des segments des communautés plus pauvres détiennent d’importantes quantités d’armes - même si c’est pour des raisons très différentes souvent. Des éminences grises locales - fréquemment liées à des groupes armés au sein de communautés plus pauvres - n’hésitent pas à recourir à la violence armée pour défendre leurs intérêts. Le monopole local de la violence est devenu un signe de vrai pouvoir ».



4.3.            Nécessité d’une approche adaptée au contexte spécifique d’Haïti



De concert la mission des Nations Unies, la partie national, représentée par le Conseil National de Désarmement (CND), a mis en place un programme de DDR de 2004 à 2006. A côté de ce programme un bureau pour la prise en charge des militaires démobilisé, devant faire le travail complémentaire du programme de DDR a été mis en place. Suite aux infructueuses pérégrination de récoltes des armées, supposément 300,000 armes en circulation, la question de l’adaptabilité de la stratégie de DDR a été soulevée dans les milieux organisationnels et critiques.



Il faut dire que le programme était conçu sur le modèle classique de DDR implémenté dans des contexte de conflit mettant en présence des groupes armées ayant la posture de véritable organisation armée, structurée et hiérarchisée et soumis à une forme de discipline militaire. En effet les groupes en présence en Haïti ne répondaient pas aux critères des groupes armées formelles. D’ailleurs, ils étaient l’émanation d’une conjoncture politique particulière, quoique résultant d’un conflit latent entre le courant lavalasse et les partis de l’opposition, mais qui n’était pas fait l’objet d’une organisation armée. Sur la base d’une compréhension de la structure et de la dynamique des groupes armés, en 2006, opté pour un type non classique adapté au contexte sécuritaire de la République d’Haïti et des formes la menace pour la sécurité et la stabilisation du pays. Ainsi, une nouvelle approche de Réduction des Risques Sécuritaires et de Violence Communautaire (Désarmement, Démobilisation et de Réinsertion (DDR) de seconde génération.



Cette approche est Réduction des Risques Sécuritaires et de Violence Communautaire connue sous l’appellation de Programme Réduction de la Violence Communautaire (RVC) [4] plus populaire sous sa traduction en anglaise « Community Violence Reduction (RVC) Programme ». Comme son origine le laisse supposé, un tel programme se focalise sur la prévention et la déconstruction de la violence armée [5]. Cette génération de DDR se proclamait être efficace afin d’adresser des problèmes de sécurité et de stabilité communautaire, en particulier ceux qui sont le fait de l’existence des facteurs et des vecteurs de la violence au sein de la communauté elle-même et plus spécifiquement en raison de la présence des groupes armés et/ou criminelles. Conçu dans un cadre multi-acteurs et interagissant et privilégiant une approche spécifique, elle est, de fond, un élément d’une stratégie globale de réduction des violences communautaires ayant comme vecteurs et facteurs de fond l’extrême pauvreté, précarité et d’autres aléas humains majeurs.



Le DDR dit RVC [6] répond à des caractéristiques et à des spécificités internes de la violence dans des unités géographiques où la stratégie formaliste de DDR se révélerait inefficace pour adresser les problèmes fondamentaux de sécurité et de stabilité dans un contexte d’effort de la communauté internationale pour appuyer un pays à résoudre des problèmes de conflits. Certaines critiques soutiennent, généralement, d’un résultat mitigé des programmes nationaux de DDR en matière de réelle assistance à la réinsertion et à la réintégration des ex-combattants, la récolte effective et ordonnée des armes illégales en circulation.  Certes, nous n’en discordons pas avec cet avis, mais un fait est certain, il faut cadrer les interventions aux contextes et aléas systémiques, incluant la conceptualisation desdits programmes, le mode d’appropriation au niveau local, les conditions d’agir des parties, c’est-à-dire : décideurs, intervenants, société civile, bénéficiaires et institutions de suivi. Ces considérations sont autant valables tant pour les programmes de DDR classique que ceux appelés Programme de Sécurité Communautaire (PSC) et les secondes génération dites Réduction de la Violence Communautaire (RVC/RVC). Notons que ce dernier programme s’ambitionnait de porter un appui afin de compenser le déficit de service observé et de se focaliser des facteurs déterministes de la violence armée.



Vu les visages nouveaux sous lesquels se présentent les conflits dans le monde l’innovation des stratégies visant la sécurité communautaire ou la réduction de la violence communautaire à travers des de Désarmement, Démobilisation et Réinsertion (DDR), conjugué de stratégie de réduction de l’extrême pauvreté et précarité humaine est une bonne chose. Voilà pourquoi nous estimons qu’il est important d’analyser les injonctions, les inconvénients et les risques de telles tendances. Ce qui, sans doute contribuera, à rendre plausible les forces, faiblesses, risques et opportunités de ce nouvelles tendance et aussi aider à avoir un bon niveau d’information et une vraie motivation, de dégager une bonne vision afin de rendre l’approche plus efficace et plus efficiente.



Nous voudrions indiquer que nous notre réflexion est particulièrement une perspective RVC/RVC puisqu’elle est au paravent des autres stratégies subséquentes, y inclus les Programme de Sécurité Communautaire. (PSC), quoique initié dans un cadre d’action conjointe [7].





V.                EN GUISE DE CONCLUSION



Nous voudrions indiquer que cette réflexion et celles qui s’ensuivront dans les trois autres articles, à paraître dans le même canal, n’ont pas la prétention d’être complet. Mais l’utilité principale recherchée est de soulever un vrai débat, réunissant, non seulement praticiens, mais aussi des gouvernants / décideurs, bénéficiaires, des acteurs de la sociétés civiles sur la posture que doit avoir un vrai programme RRSVC de type PSC et ou de RVC. Il s’agit donc de susciter un regard critique sur ses pratiques afin de raffiner la théorie d’intervention et d'encourager les décideurs, les praticiens et les bénéficiaires à construire ensemble la pédagogie d’identification des écarts dans leur programme, de déterminer eux-mêmes les réponses appropriées et de les implémenter.



Le cas de l’avènement des programme RRSVC est riche d’enseignement sur cette approche de réduction des risques de sécurité et de violence communautaire. Car, il a permis d’abord aux acteurs de reconnaître que les solutions classiques et mécaniques ne sont pas toujours potables sans adaptation aux contextes d’un autre environnement ayant ses caractéristiques sociologiques propres du conflit c’est-à-dire une approche localement adaptée à la dynamique poli- tique, sociale et économique de communautés. Il a mis en exergue la nécessité de disposer d’indications sur les motivations et les intérêts sous-jacents qui caractérisent la détention et la manipulation des armes dans le conflit, nombre, la répartition des armes illégales à travers les groupes et clans afin d’adapter la stratégie à les faire sortir de la circulation, le profil de leurs utilisateurs, afin de pouvoir leur fournir les services appropriés soit en termes de d’intégration / de réintégration ou de service de sécurité.



Enfin, nous voudrions signaler que dans cette partie nous n’avons pas jugé les résultats obtenus dans les programmes RRSVC implémentés dans le pays. En dépit de notre reconnaissance de la viabilité de l’approche en termes d’intention pour adresser la question de l’instrumentalisation de la pauvreté économique et spirituel (dans le sens éducatif et psychologique du terme) il est un fait que de telles initiatives n’ont pas apportées les résultats escomptés pour plusieurs raisons que nous révélerons dans les parties suivantes.



 Pourquoi la RRSVC est un bon outil de stabilisation et de sécurisation communautaire ? c’est ce que nous verrons dans la deuxième partie de notre réflexion en nous appuyant sur les dispositions fondatrices de la pratiques et la définition élargie du concept de violence



VI.             NOTE ET REFERENCES



(1)         La notions attitude flibustière est assimilée au comportement des pirates français du temps de la colonie de Saint-Domingue qui ne faisaient que d’attendre en haute mers les cargaisons partant de la colonie vers la métropole afin de les détourner vers leur repaire. Non seulement c’est un comportement d’antivaleurs, c’est surtout un rapport de gain illicite et de perte sèche.


 


(2)         Ce terme n’implique pas pour autant l’existence d’une classe bourgeoise en Haïti. Car, en dehors du fait de la détention de la richesse du pays, il n’existe au niveau de cette classe aucune autre caractéristique sociologique de la définition de la bourgeoisie. Cependant, sans en prendre la défense, il faut reconnaître que divers autres facteurs ont contribué à ce type de maquettage non bourgeois de la classe possédante que les politiques eux-mêmes en sont responsables. On peut indiquer par exemple, la réduction du comportement au rôle de simple marchant, grossiste de cette classe évitant toute investissement dans la production nationale, justifié à tort ou à raison par l’absence de garantie des investissements dans le pays. Donc, l’attitude de mercenariat de la classe est une conséquence des inconséquences de la classe politique et intellectuelle qui n’ont pas rationnellement au moment qu’il n’était pas nécessaire de mettre le holà à la pratique « Koupe tèt, boule kay. Car cette pratique après l’indépendance n’a que faire appauvrir le pays et créer la dépendance externe.


 


(3)         Robert Muggah, « Haïti : Les chemins de la transition – Étude de l’insécurité humaine et des perspectives de désarmement, démobilisation et de réintégration », Small Arms Survey Institute, Institut Universitaire des Hautes Études Internationales, Genève, 2005.


 


(4)         Jean Laforest Visene de Lyvia Tulce, “ To seeking philosophy and ideal schemes of the DDR second génération / community violence reduction programme ”, Vendredi 12 mai 2017;  https://visenejl.blogspot.com/2017/05/to-seeking-philosophy-and-ideal-schemes.html;




(5)         Moritz Schuberth le nomme carrément “ armed violence reduction and prevention (AVRP)”.  Il a indiqué que l’AVRP englobe à la fois la réduction de la violence et la prévention de la violence. Un tel programme met l’accent sur les causes socio-économiques de la violence, sur l'identification des facteurs de risque «qui contribuent à augmenter la probabilité qu'un individu commette un acte violent» et des facteurs de résilience «qui aident les individus dans des circonstances défavorables à surmonter l'adversité et à éviter la violence» Lorsque ces deux ensembles de facteurs ont identifiées, indique - t ’il, les interventions ciblées peuvent être axées sur la réduction des risques afin de prévenir la survenue de la violence armée. Voir son article intitulée “Disarmament, demobilization and reintegration in unconventional settings: the case of MINUSTAH’s community violence reduction” in INTERNATIONAL PEACEKEEPING, 2017, VOL. 24, NO. 3, 410–433, http://dx.doi.org/10.1080/13533312.2016.1277145; https://www.tandfonline.com/doi/pdf/10.1080/13533312.2016.1277145?needAccess=true




(6)         De manière générale le cadre d’une stratégie Réduction de la violence communautaire est extrêmement large. Car la violence communautaire inclus tous les sous-types des catégories des violences interpersonnelles et collectives englobant les formes de violence exercées de gré ou de force, structurelle ou endémique, fondées sur des inégalités des pratiques discriminatoires. Elle peut contenir la maltraitance des enfants, la violence exercée par le partenaire intime, la maltraitance des personnes âgées observées comme des pratiques collectives ou celle des membres de la famille, la violence des jeunes, les viols et les agressions sexuelles ainsi que la violence en milieu institutionnel. 


 


(7)         Faudrait-il préciser que le sigle RVC n’est pas à confondre dans le texte avec ce qu’on appelle dans plusieurs pays « Commission Vérité et Réconciliation » ou ce qu’on appelle « Cave à vin réfrigérée » qui ont aussi le même sigle : « RVC ».



Professeur Jean Laforest Visene de Lyvia Tulce

JLV@L.T