lundi 9 janvier 2012

Autour du Paradigme de transfert de responsabilite dans la gestion de l’aide externe a Haiti

Autour du Paradigme de transfert de
responsabilite dans la gestion de l’aide externe a Haiti

Par Jean Laforest Visene.-

Il doit devenir une pratique institutionnelle récurrente et automatique chez les entités étatiques de faire un diagnostique périodique de leur secteur d’activité. Telle est l’idée principale que nous soutenons dans cet article traitant spécifiquement de l’aide internationale à Haïti. On se plaint que cette aide s’exécute sans une trop grande responsabilisation des autorités étatiques. Même le contrôle de celle transitée chez ces partenaires locaux, assujettis aux lois haïtienne, échappe entièrement à l’appréciation des entités légalement désignées.  Par contre à travers ses services de reconnaissance et de renouvellement de l’autorisation de fonctionnement, l’Etat fait exigence aux partenaires (Organisation non-gouvernementales, Organisation Communautaire de base et autres opérateurs) de soumettre des rapports de leurs activités.

Comprenant que ces interventions sont, tacitement, aux actifs de l’Etat haïtien les nouvelles autorités haïtiennes semble ne pas vouloir être une soumise résignée face à une conception de l’aide qui, selon un sociologue, « est figée dans les stéréotypes ». Comment assurer un transfert de responsabilité dans la gestion de l’aide ? Un état des lieux ne serait-il pas nécessaire pour faciliter l’implication des entités étatiques dans la gestion de l’aide ? Une évaluation, pourrait-elle aider tant les bailleurs que l’Etat haïtien ? Si oui, comment aborder cette évaluation ?

1.   Transfert de responsabilité et responsabilité assumée dans la gestion de l’aide

Depuis le tremblement de terre du 12 janvier 2010 on a constaté une augmentation d’environ de 400% de l’aide au développement du pays. Jusqu’à septembre, des près de 2 milliards de dollars des fonds d'assistance humanitaire destinés à Haïti, seulement 1% a été acheminés au gouvernement haïtien soit un montant de 20 millions de dollars environs. Le reste transite par des agences multilatérales, des ONG et des opérateurs privés. Il n’y a pas de doute que ces fonds soient dépensés sans trop consensus avec l’Etat haïtien et le contrôle de ses entités institutionnelles des secteurs dans lesquels sont investis ces montants.

1.1.         Expression d’une nouvelle politique dans la gestion de l’aide ?
A-t-on progressé ou régressé vers l’atteinte des objectifs globaux nationaux en matière de développement à partir de l’aide externe de 2010 à 2011 ? On ne croit pas que l’Etat haïtien soit en mesure de donner une réponse fiable à cette question sur les bases de données collectées à partir d’outils de contrôle des activités liées à l’aide externe. D’où la nécessité que l’Etat se dote de moyens pour régulariser cette situation.

Récemment, le Premier Ministre haïtien, Mr Gary Conille a souhaité « un transfert de responsabilité dans la gestion de l'aide aux autorités haïtiennes via les institutions du secteur public ». Il faut changer de paradigme, dit-il, passer de l’assistance à l’accompagnement (1). Telle a été aussi l’opinion émis très tôt après le tremblement de terre qui suggérait une bonne coordination de l’aide, la mise en place des systèmes de responsabilité et en premier lieu de donner l’opportunité au dirigeants légitimes haïtiens, en consultation avec leurs concitoyens de définir leur besoins (2). Ce serait une opportunité aux acteurs de voir comment l’état haïtien puisse être mis, beaucoup plus, à contribution de l’efficacité et de l’efficience de ces programmes. D’autant que le Premier Ministre invite à la mise en place des indicateurs de succès de ce transfert et des mécanismes de son contrôle.

Est-ce une entrave à l’état de droit ou un appui au renforcement des capacités étatiques que les entités de l’Etat jouent leur rôle de contrôle, d’orientation et même d’absorption directe de l’aide externe ? Y aura-t-il y aurait des obstacles majeurs de certains acteurs, malgré l’obligation légitime de l’Etat, d’évaluation les pratiques sur son territoire et de prendre les dispositions pour les corriger, quelles seraient les intérêts de ces acteurs ? L’Etat et les collectivités qui, en faite, sont les principaux bénéficiaires de l’aide ne sont-ils pas en droit de vérifier si les investissements ont portés leur fruit ? En quoi un transfert de responsabilité ferait-il obstacle à l’aide externe dans ce domaine ? Si non, tout refus de collaboration à l’évaluation ne sera-t-il pas interprété comme un refus de changement à des pratiques qui ne cadreraient pas explicitement aux objectifs globaux de développement nationaux ? Qu’est-ce qu’on aurait à dissimuler et à cacher ? Pensent-on que l’on va constater le manque d’efficacité et d’efficience, bref que l’on va conclure à un déficit de leur rentabilité et/ou utilité sociale ?

Il est évident que les nouveaux dirigeants du pays expriment une volonté de renoncer avec les pratiques et modes de gestion des affaires d’Etat, dont l’aide en fait partie. Lesquels semblent neutraliser la fonction de contrôle des entités étatiques.

1.2.         Une responsabilité assumée institutionnellement de manière tacite
D’une manière politique les décideurs politiques, de toutes les époques, assume la responsabilité de l’aide externe offert au pays dans son état.  Cependant, ce sont leurs administrations qui ne s’activent pas pour jour leur rôle.

a)        Premièrement, le cadre légal haïtien s’ouvre à l’aide et laisse aux administrations le développement des moyens de sa politique. Il revient aux décideurs politiques de : Veiller à ce que les interventions dans l’espace communautaire haïtien soient en lien avec le programme de développement du pays et intègrent de manière cohérente la politique de l’Etat ; Qu’elles soient conformes à son code d’intervention, selon ce qui est défini pour un secteur d’activité. C’est à l’Etat donc de consigner dans un document sa politique de l’aide, accessible à tous le monde et passer les instructions à ses structures pour sa mise en œuvre.

b)        Deuxièmement, des structures au sein des différentes entités des administrations de l’Etat sont instituées non seulement pour aider l’Etat à définir la politique dans leur secteur d’activité mais aussi pour assurer le contrôle des interventions dans ce secteur. En dépit des carences structurelles, implicitement, l’Etat tolère un état de fait. Or qu’il soit spécial, ou au gré des circonstances l’Etat assume la responsabilité des interventions sur ses sujets ; D’ailleurs, le contenu de tout programme, spécial ou régulier, devrait être validé au niveau des entités de contrôle de l’Etat. C’est pour cette raison qu’il existe des ressources institutionnelles au sein des entités de l’Administration publique haïtienne pour accomplir ce travail. Par exemple, le Ministère de l’Education Nationale et de la Formation Professionnelle (MENFP) a une direction de contrôle et de suivi qui a été crée par arrêtée départemental no 00755, le 10 juin 1989.  Cette entité a pour rôle principales, entre autres, de définir l’organisation, les méthodes et la procédure de planification, d’évaluer les effets économiques des projets de développement, d’élaborer des projets de plan et de suivre l’exécution du plan (3). On pourra éventuellement évaluer les faiblesses structurelles en matière de contrôle des interventions.

c)         Troisièmement, les bailleurs exigent, généralement, que les entités bénéficiaires des fonds de leur programme aient un statut légal. Or, le statut légal est conféré en fonction de l’appui que l’entité apporte à l’état dans la satisfaction des besoins du milieu. La loi établit le système de communication et de reportage auquel les entités évoluant dans le milieu doivent s’y courber. Cela permettra au moins un regard sur l’aide. Si le travail des entités bénéficiaires n’est pas contrôlé par l’Etat ce n’est pas obligatoirement l’affaire des bailleurs de fonds. Même si, à notre avis, il serait utile, dans l’appui de ce vœu d’une plus grande responsabilité de l’aide, que les bailleurs exige que les projets qui leurs sont soumis par des partenaires reçoivent l’approbation de l’entité étatique régulateur du secteur d’activité et que tous les projets qui recevront un financement soient communiqués au gouvernement pour un suivi de l’exécution. Certainement, les questions qui vous vous poser, peut-être, sont les mêmes que nous nous posons à ce sujet.

Le transfert de responsabilité va d’abord de paire avec l’outillage des entités étatiques pour harmoniser et coordonner les actions des différents acteurs du milieu. Il passe d’abord par la compréhension du système actuel d’organisation de l’aide, le développement de mécanismes de concertation et la conception d’outils de contrôle adaptés. Certainement, il faut élargir davantage l’assiette de financement de l’exécution aux entités techniques de l’Etat. C’est le cas par exemple des projets sociaux, de formation professionnelle, de santé, secteurs dans lesquels les établissements de l’Etat restent les plus grandes références.  D’ou présumons-nous qu’il serait important dans ce paradigme de transfert de responsabilité de procéder à un diagnostique de l’aide pour les deux précédentes années.

2.   L’évaluation dans l’alibi du paradigme de transfert de responsabilité

L’évaluation d’un programme est un processus qui consiste à réaliser un examen du processus afin de mettre en évidence les écueils et de les maitriser à l’avenir (4). Le processus de contrôle permet de cerner les écueils tant au niveau de la chaine d’exécution (Partenaire d’implémentation) mais aussi au niveau de la chaine d’accompagnement et de suivi de l’exécution du programme.  A l’interne, dans un cadre de suivi-évaluation (5) elle contribue aussi d’apporter des solutions et de faciliter l’efficience budgétaire et l’efficacité du processus de mise en œuvre et de suivi. Elle permet aussi de ventiler les ressources d’appui à l’exécution du programme dans le cadre de transfert de savoir et de savoir-faire, en termes de compétences à développer dans un processus de renforcement de capacité institutionnelle. Elle permettra aussi de rechercher l’amélioration de la qualité des interventions et de la coopération / collaboration entre les différents acteurs du système.

Faudrait-il souligner que l’évaluation, dans une perspective de transfert de responsabilité, prendra en compte tout le processus stratégique, c’est-à-dire depuis la conception des programmes, en passant par la mise en œuvre et l’accompagnement fourni aux partenaires d’implémentation, jusqu’à la stratégie de sortie. Par contre, une évaluation de la compétence des partenaires habituels de mise en œuvre pourrait, à notre avis, permettre la rationalisation de l’opinion sur les résultats des programmes, d’apprécier leur valeur et leur intérêt, de trouver les moyens de les rentabiliser davantage. Cette proposition n’est pas dupe de la connaissance des acteurs en matière de contrôle des programmes et de l’efficacité de leur système, ainsi que celle des institutions étatiques et non étatiques évoluant dans le milieu haïtien.

Nous tenons à préciser que nous ne questionnerons pas la nature et le contenu de ces interventions qui sont qualifiées de programme. Car, ce papier n’a pas la prétention de les juger mais, d’orienter les acteurs vers des pistes objectifs d’évaluation de l’impact des interventions, en particulier celles qui ont un caractère socio-éducatif. Cependant, nous attirons l’attention du lecteur sur le fait qu’un programme suppose un mode d’organisation, une mise en relation stratégique d’un ensemble de projets et/ou d’activités qui permettraient de satisfaire un ensemble de besoins spécifiques observés (6).

3.   L’évaluation – outillage de la prise en charge avisée 

Entre l’évaluation diagnostique du système de l’aide et l’évaluation de l’impact de l’aide laquelle serait la plus appropriée pour faciliter un transfert de responsabilité plus efficace ? Certes, les deux sont appropriées mais ne se valent pas. La première pourrait utilise une approche macro-systémique, tandis que la seconde plus structurante dans une approche micro-systémique. L’une permet de comprendre les mécanismes, l’autre les résultats proprement dits. On peut choisir de faire les deux à la fois, mais il s’avère urgent que les différents services qui sont préposés dans les institutions de l’Etat pour contrôler les activités dans leur sphère d’activité connaissent les mécanismes de l’aide afin de pourvoir bien joué leur rôle. Or seul une approche macro-systémique peut le garantir le plus rapidement.

Dans une perspective d’outillage pour la prise en charge de l’aide seul l’évaluation de l’impact serait efficace. Ce processus de recherche autonome et adapté à la philosophie organisationnelle devra être un outil pratique et stratégique en vue de mettre en évidence la/les politique(s), les buts/finalités, les stratégies et les objectifs du bailleur de fonds. Bref, sa formulation doit tenir compte du cadre idéologique du système d’acteurs en interaction. Il est compréhensible de voir que certaines évaluations se centrent sur les faiblesses et les défis, sans se soucier à identifier les forces et les opportunités. Cette attitude fait souvent oublier des maillons du processus de programme qui méritent d’être pris en considération dans le système de contrôle des acteurs. En fait l’analyse d’impact doit prendre en compte : 

1)      Le système de coordination des programmes. Cela permettra aux unités stratégiques de l’Etat   à comprendre les rapports : Bailleurs et Etat ainsi que bailleurs et acteurs locaux ; D’intégrer le système communication et les rapports entre.

2)      Les qualités des ressources humaines d’exécution du programme. Dans le cas des programmes de formation et socio-éducatifs, on se focalise sur l’équipe pédagogique ; L’équipe de soutien à la mise en œuvre pédagogique : Secrétaire, magasinier, et l’équipe d’entretien ;

3)      Les bénéficiaires. Un échantillon de bénéficiaires choisi au hasard ;

4)      La chaine d’identification et d’accompagnement communautaire du suivi. Dans les programmes sociaux le plus souvent des acteurs locaux en particuliers des leaders communautaires, des associations communautaires de bases, parfois des organisations sont les principaux éléments de cette chaine ;

5)      La structure en charge du suivi de l’exécution du programme. Le plus souvent, des personnes sont chargées à titre de points focaux pour assurer le monitorage du programme dans des secteurs bien déterminés.  Il serait indispensable dans ce processus ;

6)      Le système étatique, incluant tous les acteurs en lien avec les visés du projet depuis les ministères que les Autorités des Collectivités Territoriales. Lien entre les programmes, la stratégie et les objectifs de développement du pays. Quelle stratégie sert d’orientation : celle des bailleurs ou celle du pays bénéficiaire ? Existe-il toujours une stratégie qui sert de cadre d’orientation ou d’adaptation des programmes des bailleurs pour le pays ? A quel niveau ces programmes sont endossés par l’Etat bénéficiaire ? Il est aisé de dire qu’on devait faire de telle ou de telle autre manière …. Mais, il faut toujours le placer dans son contexte. Ce n’est pas obligatoire d’attribuer des écueils dans certains projets à une volonté manifeste au détriment du pays. C’est là le dilemme car il arrive souvent que soit un vouloir de trop combler les lacunes de l’Etat.

4.             Pour une véritable responsabilisation de l’Etat dans la gestion de l’aide

Le premier ministre Mr Conille dans son énoncée de déclaration de politique générale, avait annoncé de vaste chantier de réforme de la sécurité sociale, le dévouement des pouvoirs publics à adresser les phénomènes de chômage ou de sous-emploi endémique, de marginalisation économique et d’exclusion social (7). Son fameux slogan « Pèp la pa ka tann ankò » n’est pas une farce. Il y a urgence d’intervenir pour améliorer la condition de vie des couches les plus défavorisés et les plus vulnérables de la population. Le « Pèp la pa ka tann ankò » n’exprime pas seulement un besoin de stabilité politique, mais également un besoin de satisfaction des besoins sociaux et économiques. Il est évident que l’aide externe est un complément important pour satisfaire le social et l’économique. Cependant elle doit être réorienté et apprivoisées selon la politique des entités étatiques. Certaines conditions sont nécessaires pour que l’aide soit rationnellement réorientée, devienne plus efficace, efficiente et beaucoup plus rapprochée des mécanismes nationaux. Voici,-ci-dessous, certaines propositions pour y parvenir.

4.1.         Evaluation diagnostique du système actuel de l’aide
Il faudra qu’elle soit axée sur des démarches scientifiquement soutenues à commencer par une évaluation diagnostique du statut de l’aide par secteur qui servirait de base à tirer des leçons du passé et aussi à programmer les actions futures sur une base de rationalisation des ressources de l’aide. Logiquement, des études sectorielles approfondies devraient être conduites pour connaitre les véritables besoins en matière de programmes et aussi sur la stratégie adaptée au milieu social haïtien pour les conduire.

Une telle démarche permettrait aux agents de la fonction publique du pays de comprendre le système d’intervention des autres acteurs et des bailleurs de fonds et d’adapter sa politique pour garantir une plus grande efficacité de l’aide externe. Cette compréhension est essentielle pour un dialogue avisé sur les politiques, les programmes et les portefeuilles de programmes d’investissements. Enfin, il faudra que l’évaluation de l’aide devienne automatique et que chaque période l’Etat à travers ses structures procède à son évaluation, sa mise en œuvre et son impact sur les différents secteurs.

4.2.         Implication des entités étatiques dans la définition de la politique de l’aide
Il faut que les ministres soient véritablement ordonnateurs pour leur ministère mais aussi coordinateur de l’aide relative à leur secteur ; En tant que coordonnateur de l’aide, son ministère définit la politique de l’aide pour son secteur et valide au niveau supérieur les projets devant bénéficier le financement d’un bailleur. Les bailleurs doivent pouvoir identifier les poches de besoin à travers le document stratégique de chaque ministère, inspiré du cadre stratégique du gouvernement. 

4.3.         Cahiers des besoins au niveau des collectivités locales
L’implication réelle des autorités des Collectivités locales et des entités étatiques concernées dans le processus d’identification et de validation des propositions des projets au regard des politiques et besoins des secteurs et des collectivités. Donc, il faudra non seulement que les ministères aient un programme stratégique mais qu’au niveau des collectivités territoriales aussi qu’il existe un programme de développement, du moins d’un cahier de besoins. En dépit de la bonne volonté on comprend que l’Etat dans ce cadre doit mettre à la disposition des collectivités des cadres ayant des compétences dans les divers secteurs, d’abord pour définir l’orientation stratégique ensuite pour suivre l’atterrissage de l’aide.

4.4.         Une mentalité régalienne dans la police de l’aide
Il faudra veiller à ce que l’Etat et les collectivités ne soient pas que figurant au tableau de décision alors qu’en réalité ce n’est qu’une mystification. Il y a une mentalité, malheureusement qu’on ne critique pas trop, disant : « qui finance commande ». Il arrive d’entendre que l’on dise : « A papa, lè se lacharite y ap fè w ou pa fè egzijans ». Même en étant mendiant on a une certaine dignité à faire respecter. On doit avoir le courage d’exiger le respect de la dignité institutionnelle de l’Etat. Cela va de paire avec la définition du cadre d’action de l’aide au pays.

4.5.         Communication soutenue entre bailleur, partenaire d’exécution et l’Etat
L’enregistrement des projets devant bénéficier un financement dans le registre des institutions compétentes et leur inscription dans l’agenda de supervision. Il faudra développer des outils adaptés pour la supervision des projets par secteur. Que l’Etat publie, périodiquement des rapports sur l’aide externe, ignorant tous les financements qui ne seraient pas passé par le circuit arrêté. Car, souvent on affirme avoir fournit des enveloppes extrêmement élevées à Haïti, mais l’Etat n’a même les moyens de vérifier si ces montants ont été effectivement injectés et dans quelles conditions. Car, les entités étatiques n’ont pas été impliquées dans le processus.

4.6.         Discipline des institutions étatique dans la gestion des agendas
Le sérieux des agents et la définition d’un plan de travail sont incontournables. Vraisemblablement certains bailleurs ne voudraient pas mettre les entités étatiques en dehors du processus de leur financement de l’aide. Mais, ils les contournent en raison de leur lenteur et la mauvaise gestion des agendas. Les budgets des programmes au même titre de celui de la République d’Haïti sont attribués pour une année et de ce fait l’engagement et la justification doit pouvoir respectées délais.

Il est connu de tous que les services publics marchent à pas de tortue, ses agents ne sont jamais pressés. Cela saute aux yeux dans certains hôpitaux, les services douaniers, les contributions … etc. En ce sens, nous partageons l’avis émis dans les colonnes du journal sous le titre : « Ponctualité et leadership : deux vecteurs incontournables pour mieux reconstruire le pays » (8). Il faut développer une mentalité de responsabilité à tous les échelons de l’état et il faudrait une bonne collaboration et coordination entre les différentes entités de l’Etat sur la gestion de l’aide même si les fonds ne sont pas gérer directement par des entités de l’Etat.

4.7.         Transparence des agents de l’Etat dans leur role de contrôle
Il faudra intensifier le processus d’assainissement de l’Etat enclenché par l’Unité de Lutte Contre la Corruption (ULCC). On serait toujours réticent à donner trop de latitude aux services de l’Etat dans la gestion de l’aide avec cet état de corruption qui est décrié par tous. On ne prétend pas que ceux qui les avancent soient complètement immaculés. Mais, l’Etat doit prendre les dispositions pour que les acteurs de son système n’utilisent pas leur influence institutionnelle pour assouvir intérêts mesquins.

On peut penser au fait que certains pourraient monnayer leur appui à l’approbation et l’évaluation positive des projets. Il faudrait que les représentants soient de véritables défenseurs du bien-être collectif dans la gestion de l’aide. De ce fait, l’Etat devra mettre en place un système de totale transparence dans ses suivis et d’objectivité dans ses orientations.

4.8.         Désignation au sein des administrations des interlocuteurs valables
Il faut que dans les tables sectorielles de discussion relative au développement et à la mise en œuvre de l’aide que les interlocuteurs désignés soient valables. Ces interlocuteurs doivent, au moins, maitriser les concepts universels et fondamentaux d’orientation de l’aide dans leur secteur d’activités et soient habilités à prendre des décisions au non de leur institution. Il y va même du respect de la dignité de l’Etat.

Beaucoup de jeunes universitaires sont diplômés chaque année dans les différents domaines, mais n’ont d’autre issu que d’émigrer ou se résigner d’être à l’écart des sphères de décision. C’est le cas des diplômés du Mastère en Sciences du développement de la Faculté d’Ethnologie et des Post-gradués en Démographie et Développement à la Faculté es Sciences Humaines. Combien d’entre eux sont utilisés dans les circuits de l’administration publique comme des interlocuteurs auprès des bailleurs ? Pourquoi par exemple on ne pense pas au développement d’un partenariat de stage avec les universités en particulier l’Université d’Etat d’Haïti de sorte qu’on puisse développer des compétences valables de compréhension de la politique de l’aide ? 

5.             En guise de conclusion

La responsabilité solidaire et le respect mutuel est l’un des principes fondamentaux devant orienter l’opérationnalisation du paradigme de responsabilité de l’Etat dans la gestion de l’aide externe au pays. Elle permet un partenariat entre les bailleurs de fonds, pays bénéficiaires et réseau de partenaire fondé sur des rapports de coopération dignes. Sur cette base, ce système d’acteurs deviendrait solidaire quand aux résultats obtenus dans l’implémentation de l’aide.

Doit-on compter sur l’aide externe pour un développement réel du pays ? Y-aurait-il des pays qui se sont développés véritablement à partir de l’aide externe ? Si non, comment compléter l’aide externe au pays ? Quel devrait-être la part du partenariat public / privé dans la stratégie globale de développement du pays ? Autant de questions qui renvoient à un autre paradigme : Celui de l’Etat stratège.

Notes bibliographiques
(1)     Clare Lockhart (Traduit par Micha Cziffra Slate.fr), Pour reconstruire Haïti, il va falloir mettre de l'ordre dans l'aide, http://www.lenouvelliste.com/, 6 février 2010.
(2)     EJ/Radio Métropole Haïti, Gary Conille Plaide en faveur d’une nouvelle forme de coopération, in : http://www.metropolehaiti.com/metropole/full_une_fr.php?id=20104.
(3)     Moreau, Kenold, Evaluation des besoins et programmes de formation des cadres et agents, Les Consultants B.R.I.E, Imprimerie Edition Pelamo, Kinshasa, 1993, page 25.
(4)     Brinkerhoff Derick W. et Tuthil Janet C., La gestion efficace des projets de développement : Un guide pour l’exécution et l’évaluation, Kurmarian Press, United State of America, 1987, page 139.
(5)     Le suivi est un élément important pour l’auto-évaluation, car il fournit, à l’interne, des données par des mécanismes formels et informels. Le moment suivi-évaluation peut faciliter l’évaluation approfondie dont il est question ici et qui devrait être externe.
(6)     Voir Koontz, Harold et C. O’Donnell, Management, principes et méthodes de gestion, Editions Mc Graw-Hill, Québec, Canada, 1980, page 24 et 25 et aussi Buskirk Richard H. et al, L’entreprise et son milieu, Les Editions HRW Ltée, Montréal, Canada, page 80.
(7)     Gary Conille, Déclaration de politique générale, Bureau du Premier ministre, 11 octobre 2011.
(8)     Jacques Pierre, in Le nouvelliste, no 38645, Port-au-Prince, Haïti, 7 décembre 2011.

Jean Laforest Visene
Professeur à l'Université d'Etat d'Haïti
Sociologue, M.A. Sciences du Développement
Email : visenejl@gmail.com   

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